Chroniques rebelles
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Habemus Papam. Film de Nani Moretti
Ni dieu ni pape ! Christiane Passevant
Article mis en ligne le 19 janvier 2012
dernière modification le 23 décembre 2011

par CP

Dès les premières images du film, j’ai pensé Ni dieu ni pape ! Dès les premières images en effet, après l’enterrement de Jean Paul II , on est frappé par un protocole pompeux et par la grandiloquence d’une mascarade du pouvoir. Très belles images, rouge rutilant envahissant l’écran pour accompagner la marche de cardinaux cacochymes allant vers l’isolement traditionnel pour choisir l’un d’entre eux au siège suprême de la hiérarchie catholique : le pape.

Mais voilà, ce n’est pas simple et tous ces vieillards se disent en eux-mêmes : « surtout pas moi ! » pendant qu’à l’extérieur, les journalistes se perdent en conjonctures et, qu’inexorablement, le rite des votes se poursuit. Et l’on recommence, et la foule piétine sur la place, à croire que si personne ne remporte la tiare, le monde s’écroule. Mais tout cela est politique bien que le film de Nanni Moretti ne révèle ni les enjeux, ni les intrigues, ni les complots, ni les voix qui se reportent sur tel ou tel cardinal.

La critique n’est pas non plus aussi acerbe que dans le Sourire de ma mère (L’Ora di religione - Il sorriso di mia madre) de Marco Bellocchio (2002), non, si Nanni Moretti a porté la soutane dans La messe est finie (1985), son athéisme n’est guère offensif dans un pays où le crucifix tient une place de choix. Et c’est finalement dans un Vatican de studio que se déroule cette fable-farce.

À l’issu donc d’un conclave à rebondissements, un pape est plébiscité, le cardinal Melville, à la surprise générale y compris de l’élu. La petite fumée blanche s’élève enfin dans le ciel : Habemus Papam [1]. Tout le monde soupire après l’attente, mais voilà que nouvel élu n’a pas plus envie de se montrer au balcon pour la bénédiction de la foule que d’assumer la charge de pontife au quotidien. Il tombe dans une dépression pour laquelle intervient un psychothérapeute qui se retrouve enfermé avec les cardinaux puisque, bien entendu, aucune information ne doit transpirer sur ce pape défaillant. D’autant que le pontife profite d’une sortie pour s’évaporer dans la ville, ce qui occasionne l’emploi d’une doublure pour
donner l’impression qu’il se recueille dans ses appartements.

Michel Piccoli incarne magnifiquement un pape accablé par le décorum et la tâche pontificale, se rêvant comédien jouant du Tchékhov, face à Nanni Moretti, mécréant et psychanalyste plus à l’aise pour arbitrer un match de volley ball entre cardinaux. Et si le cinéaste ne signe pas là un de ses meilleurs films critiques, il se moque indéniablement des traditions et s’amuse du décorum de l’Église.