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Film documentaire de Ana Dumitrescu
Khaos. Les Visages humains de la crise grecque
Samedi 3 novembre 2012
Article mis en ligne le 9 novembre 2012
dernière modification le 17 octobre 2012

par CP

Khaos.

Les Visages humains de la crise grecque

Film documentaire de Ana Dumitrescu


Sortie nationale : 10 octobre 2012

« L’image est avant tout une écriture ».

La presse et autres journaux télévisés nous ont abreuvé d’images de la crise en Grèce dans le style catastrophe absolue, impliquant l’irresponsabilité d’une population qui tire tout le monde vers la galère et l’échec européen.

Or Anna Dumitrescu, dans son film documentaire, Khaos. Les Visages humains de la crise grecque, donne un tout autre écho de ce que l’on a entendu et vu jusqu’à présent. La caméra s’immerge dans la rue pour saisir les situations, les ressentis, au fil des rencontres, mais sans cliché, sans a priori ni figures convenues de la révolte. La parole est donnée à ceux et celles qui le plus souvent sont tenu-es de la fermer, ceux et celles qui vivent la crise de plein fouet, qui résistent et analysent une situation économique complexe et reviennent sur les prémices de la crise prouvant que celle-ci n’est pas survenue soudainement.

La crise et l’austérité imposée… D’où la colère, avec les manifestations, les incendies et les pillages en réponse à la violence du système et aux brutalités policières. Le ras-le-bol de la population est tangible, confronté depuis des années aux malversations des politiques et à la corruption de décisionnaires, au prétexte d’intérêts financiers. Beaucoup le disent : «  le peuple grec n’est pas responsable de la crise, il la subit » : baisse drastique des salaires, abandon des services publics, augmentation du chômage qui, de 8,5 % en 2009, passe à 21,7 % en 2011. Les suicides pour cause économique ont plus que doublé et, dans chaque famille, il y a au moins une personne au chômage. C’est « une situation de guerre » !

Khaos. Les Visages humains de la crise grecque nous plonge littéralement dans la réalité de la crise au quotidien : une femme menace de se jeter du troisième étage, les magasins ferment, un homme occupe son entreprise, une professeure de dessin organise des repas pour ses élèves, une autre explique que son salaire ne lui permet plus de vivre décemment, un passant apostrophe une équipe de la télé, des anarchistes parlent d’autogestion et organisent des soupes populaires, les gens se regardent, s’écoutent, communiquent… L’idée d’une solidarité entre les personnes revient peu à peu…

« Toutes ces situations aboutissent à une très belle ouverture, mais c’est une ouverture vers le chaos », dit Panagiotis Grigoriou, historien et anthropologue de la contestation. Ce blogueur critique est en quelque sorte le passeur du voyage au cœur de la crise grecque. Il est le passeur et le coryphée qui ouvre aux rencontres, sans jamais s’immiscer dans l’expression de l’autre, dans les témoignages du mal-vivre et de l’injustice.

Faut-il passer par le chaos pour initier une autre proposition de société ? Question essentielle d’autant qu’elle est posée alors que l’alternative à la crise semble absente au plan politique et que des vies humaines sont détruites. Car plus que perdre son boulot, il s’agit ici de perdre son existence, les liens de solidarité, sa raison de vivre… Alors le chaos est-il la condition nécessaire à un changement de société, à une utopie pratique ?

« La Troïka et les "Troïkans" modifient nos existences et nos comportements, [écrit Panagiotis Grigoriou, sur son blog]. Il y a un avant et un après. Comme lors d’une entrée en guerre ou d’une occupation. Un vent mauvais, un poison ambiant, une mise à mort de nos petites et grandes habitudes, une mutation collective rapide, suspendue à la perte de nos repères. Désormais on plonge, y compris dans les quartiers chics... dans les poubelles... »


Le pouvoir est maudit ou comment en finir avec ce système. «  La démocratie, c’est de la merde » peut-on lire sur une banderole au début du film… Alors, le chaos pour faire place à l’imagination, à l’autonomie, à l’autogestion ? Une autre organisation est possible et après le film d’Ana, Khaos. Les Visages humains de la crise grecque, on a envie de dire : et si on en parlait…