Chroniques rebelles
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Je n’aime pas la police de mon pays, Maurice Rajsfus. Faire quelque chose, film de Vincent Goubet
Samedi 29 décembre 2012
Article mis en ligne le 30 décembre 2012
dernière modification le 31 décembre 2012

par CP

Je n’aime pas la police de mon pays

Maurice Rajsfus (Libertalia)

« La consigne, c’est la consigne »…16 juillet 1942, dès quatre heures du matin, 7 000 policiers français participent aux « opérations de ramassage de juifs » selon la formule des autorités policières françaises. Cette vaste opération menée avec zèle et brutalité se solde par 13 152 arrestations au soir du 17 juillet 1942. Et pour la première fois, les arrestations n’ont épargné ni les femmes ni les enfants.

Encore adolescent, Maurice Rajsfus fait alors une première rencontre avec les « forces de l’ordre » françaises par l’entremise d’un voisin, flic de son métier, un certain Mr Mulot qui n’hésita pas à embarquer sans ménagement la famille Rajsfus, à l’aube, vers un commissariat qui regroupait des centaines de familles du quartier. Maurice et sa sœur échappèrent à Drancy et aux camps de concentration un peu par hasard et grâce au réflexe de leurs parents. Une adolescence qui n’est pas épargnée par la discrimination quotidienne et, à quelques exceptions près, la lâcheté générale.

Quelques décennies plus tard, dans son livre, La police de Vichy, Maurice Rajsfus posera cette question : « Quelle différence peut-il bien y avoir entre un policier participant à une charge lors d’une manifestation ouvrière et son collègue qui, quelques années plus tard, se livre à la chasse aux Juifs ? » Le pouvoir peut changer, mais «  la logique policière échappe aux considérations politiciennes, dès lors que la mission de maintien de l’ordre est suffisamment cohérente pour rester répressive. Peu importe le système qui donne les ordres, si la matraque est au bout de l’ordre reçu. »

En 1993, un inspecteur de police assassine le jeune Makomé au commissariat des Grandes-Carrières du XVIIIe arrondissement de Paris. Un an plus tard, en juin 1994, l’Observatoire des Libertés Publiques est créé et son bulletin, Que fait la police, paraît, notamment à l’initiative de Maurice Rajsfus qui fait œuvre d’historien et d’archiviste pour ce qui concerne les dérives policières et leur impunité.

Après son édition papier, Que fait la police ? est sur Internet.

1er janvier 2013.

Quand la police entre en socialisme, il n’y a rien de changé sous le soleil noir de l’idéologie sécuritaire ...

Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus dans

QUE FAIT LA POLICE ?

De l’Observatoire des Libertés Publiques

Suite au mouvement de mai/juin 1968, je m’étais appliqué à mettre en fiches les nombreuses informations parues dans la presse, relatant les mauvaises manières des policiers de ce pays.

En juin 1994, en compagnie de mon camarade Jean-Michel Mancion (Alexis Violet), il nous avait paru indispensable de faire un état des lieux permanent des dérives policières. D’où la constitution de l’Observatoire des libertés publiques, et de son bulletin mensuel Que fait la police ?

185 numéros mensuels ont été publiés depuis, avec de trop nombreux « faits divers » recensés. Le temps est donc venu de modifier notre approche, et de nous attacher aux commentaires pour tenter de mieux sensibiliser nos lecteurs [et nos lectrices] au rôle peu convivial joué par une police bien plus attachée à servir le pouvoir du moment que de s’inquiéter des problèmes de l’ensemble des citoyens [et des citoyennes].

Faire quelque chose

Film documentaire de Vincent Goubet

Sortie au cinéma le 2 janvier 2013

« Lorsqu’on voit passer une injustice, il faut réagir. On réagit comme on peut… Mais on réagit ». Réagir contre l’inacceptable, refuser de subir,
« marquer le coup », s’impliquer, prendre des risques, se dire que finalement on a pas le choix quand il s’agit de défendre sa liberté, celle des autres aussi, et sa dignité… Il faut Faire quelque chose !

Ce premier film de Vincent Goubet, Faire quelque chose, est un long témoignage à plusieurs voix, des voix de femmes et d’hommes qui se recoupent, se complètent, réaffirment, chacun et chacune à sa manière, l’importance de résister.

En 1940, la défaite française est consommée face à l’armée allemande et la déroute est totale. Le traumatisme de 1940 a été immense et dure encore aujourd’hui, dit l’un des témoins du film. Entre l’exode, les milliers soldats prisonniers, la capitulation et les défilés des troupes allemandes dans Paris, c’est le sentiment de trahison qui anime les témoins de l’époque. En prime et pour «  sauver le pays », arrive au pouvoir un vieux maréchal qui avait fait fusiller des soldats pendant la Première Guerre mondiale pour avoir chanté l’Internationale. Un militaire qui faisait partie de l’extrême droite, qui avait des liens avec la Cagoule et qui s’empressa de rencontrer Hitler pour collaborer.

Travail Famille Patrie ! C’était son slogan et de répéter en boucle que la population française était vaincue et qu’elle devait évidemment courber l’échine devant l’occupant nazi. Le traumatisme de 1940 a été immense et dure encore aujourd’hui, dit l’un des témoins du film.

L’appel du 18 juin a été très peu entendu, mais « Tout de suite, il y a eu deux camps », se souvient Pierrette Rossi. Il était impératif de résister, mais comment ? Ce n’était pas si simple, malgré les humiliations et la détermination de ces jeunes résistants et résistantes. « Ils nous considéraient comme des sous-hommes, [dit Madeleine Riffault]. Nous avons fait la même chose dans les colonies », aux Bougnouls. Et d’ajouter : « On est toujours le Bougnoul de quelqu’un. »

Ils et elles ont à présent entre 87 et 98 ans et parlent de cette expérience unique du Conseil National de la Résistance et de son programme commun à toutes les tendances politiques. Même si « on a occulté la Résistance après la Libération », ils et elles sont toujours aussi clair-es par rapport à leur choix, sans regret, sinon des ami-es qui y sont resté-es ou de ceux et celles qui ne sont pas revenu-es des camps de la mort.

Pendant ces quatre années d’Occupation, «  très peu ont quitté la
Résistance
 », sans doute parce que « La petite étincelle d’optimisme, elle reste jusqu’au bout. Et elle dure encore. »

Le film documentaire de Vincent Goubet, Faire quelque chose, sort sur les écrans mercredi prochain, 2 janvier.

Un très beau film et une réflexion très intéressante sur l’engagement, la résistance et la lutte.