Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
In Prison my Whole Life (Toute ma vie en prison)
Film documentaire de Marc Evans
Article mis en ligne le 27 mars 2013

par CP

Le film de Marc Evans sur Mumia Abu Jamal, son procès truqué, sa condamnation à mort, révèle, au-delà du cas particulier du journaliste, les dessous d’un système judiciaire étatsunien totalement inégalitaire et arbitraire. Il contextualise le cas du journaliste militant depuis son premier engagement comme membre des Black Panthers jusque dans les années 1980 et son arrestation en 1982.

Marc Evans mène une enquête approfondie non seulement sur le déroulement de l’affaire Mumia Abu Jamal, les enjeux qui l’ont provoquée, et de ce fait sur la ville de Philadelphie, sur la police qui y règne en maître et dont la brutalité déclarée, et même condamnée par la Cour suprême, n’hésite pas en parfaite impunité à tuer des innocents. Les archives sont saisissantes, choquantes, les témoignages bouleversants… C’est tout un pan du masque de la justice outre Atlantique qui tombe et son image "démocratique", tant vantée, qui se fissure…

On note au générique la présence de Colin Firth en tant que producteur exécutif, de Robert Del naja et Neil Davidge (Massive Attack) pour la musique, de Snoop Dogg pour les chansons originales, ainsi que de nombreux intellectuels non interviewés, mais conseillers sur le film, notamment Howard Zinn.

Ce film sur l’affaire Mumia Abu Jamal, son procès truqué, sa condamnation à mort est remarquable car y est dévoilé dans les moindres détails la monstruosité du système et les complicités entre la police et les autorités politiques de la ville. Être coupable ou innocent n’a plus le même sens selon si l’on a les moyens financiers pour se défendre ou non. Un autre élément intervient qui brouille encore notre compréhension : la religion. Difficile de comprendre en effet le phénomène de « contrition ». Par exemple, si l’on passe aux aveux pour un acte délictueux ou criminel que vous avez, ou n’avez pas commis, il est possible de « négocier » une remise de peine ou d’échapper à une condamnation. L’innocence, la culpabilité, les circonstances atténuantes serait donc une question d’argent ou de simulacre de regret !

Le film de Marc Evans reprend tous les éléments de l’enquête en interrogeant des témoins dont les témoignages ont été délibérément écartés et dépasse ainsi très rapidement le cadre strict de l’enquête sur l’affaire Mumia Abu Jamal. L’analyse du système judiciaire de la ville de Philadelphie sur plusieurs décennies et la mise en évidence des dérives policières sont accablantes. La police fait régner la peur et va, dans les années 1980, jusqu’au meurtre d’enfants. Violences et sauvagerie s’exercent ouvertement sur la population pauvre, noire et marginale.

Les archives sont éloquentes sur la justice à deux vitesses et le traitement des riches et des pauvres. La police, régentée par l’extrême droite et défilant en parades qui évoquent les chemises noires fascistes, n’accorde pas la même valeur à la vie des un-es et des autres.

On comprend mieux alors l’acharnement dont Mumia Abu Jamal est la victime depuis plus de trente ans. Mumia, journaliste indépendant, et surnommé « la voix des sans-voix », est une cible et dans le collimateur depuis son engagement, très jeune, auprès des Black Panthers.
Mumia dénonce les brutalités policières, la corruption et les magouilles politiques des autorités de la ville, tient un discours libre et dit ce qu’il faut taire. Il en va ainsi des persécutions meurtrières dont est victime la communauté MOVE.

Mumia Abu Jamal perturbe et il faut le forcer au silence, d’abord en le faisant virer de la station de radio où il travaille et, ensuite, en l’accusant du meurtre d’un policier blanc, en 1982, où tout semble truqué. L’enquête est bâclée, trafiquée et comporte de nombreuses zones d’ombre, notamment des faux témoignages et l’absence de preuves, pour aboutir à un procès expédié, inique, et à une condamnation à mort dont l’exécution n’a été suspendue à plusieurs reprises que grâce à une mobilisation nationale et internationale.

Mumia Abu Jamal est emblématique d’une liquidation raciste et politique. Mumia est le « coupable idéal » et son cas rejoint par là les affaires de Haymarket, de Sacco et Vanzetti et des époux Rosenberg, tous
« coupables » désignés par avance. C’est ce que montre le film de Marc Evans, In Prison my Whole Life (Toute ma vie en prison).


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