Chroniques rebelles
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Samedi 15 juin 2013
Ouvriers contre le travail. Paris et Barcelone pendant les Fronts populaires
Michael Seidman (Senonevero)
Article mis en ligne le 17 juin 2013
dernière modification le 18 juin 2013

par CP

L’ouvrage de Michael Seidman s’attache à un pan peu visité de l’histoire politique et sociale de la révolution espagnole, à Barcelone, comparée à celle du Front populaire, à Paris. Perspective originale, peu abordée et particulièrement intéressante dans le contexte social d’aujourd’hui. Il pose en effet de nombreuses questions sur l’essence même du travail, sur les revendications ouvrières au sein des révolutions, et évidemment sur les utopies.

À la même époque — les années 1930 —, ce sont deux constats sur la production industrielle, dans deux pays : l’Espagne où la puissance des idéologies révolutionnaires se développait en pleine lutte antifranquiste ; en France où l’industrialisation capitaliste était plus avancée et où le réformisme dominant serait bientôt remis en question par les préparatifs de guerre.

Dans Ouvriers contre le travail. Paris et Barcelone pendant les Fronts populaires, Michael Seidman met en lumière la dichotomie existant entre les élans libertaires, les revendications ouvrières et leur satisfaction — notamment en France pour la semaine de 40 heures —, et les prises de position d’organisations qui se réclamaient d’une représentation de la classe ouvrière.

Quel était l’engagement des ouvriers espagnols à Barcelone dans un pays en pleine guerre civile ? Quelles étaient les réactions de la classe ouvrière à Paris alors que, sous prétexte d’effort de guerre prochaine, les avancées sociales étaient revues à la baisse ? Comment expliquer le décalage existant entre les aspirations légitimes de la classe ouvrière — travailler moins et en autogestion, égalité salariale… — et les directives de production imposées tant par les dirigeants que par les syndicats ?

La question de la productivité est donc au cœur des questionnements soulevés par l’ouvrage de Michael Seidman. De même, les résistances et les types d’action ouvrière à l’égard de décisions dont ils, et elles, ne sont aucunement acteurs et actrices, soulignent la nécessité de mise en cause des paradigmes dominants dans l’historiographie de l’époque et d’aujourd’hui.

« La résistance était aussi un phénomène conjoncturel et cyclique, mais les refus sont restés une part intrinsèque de la culture ouvrière et sont apparus à différentes périodes avec diverses divisions du travail. Pendant les Fronts populaires, les ouvriers se révoltaient contre un ensemble de disciplines, y compris celles imposées par les organisations ouvrières. Les salariés souhaitaient certainement contrôler leurs lieux de travail, mais généralement afin d’y travailler moins. On peut supposer que la façon d’éliminer la résistance n’est pas le contrôle ouvrier sur les moyens de production mais plutôt l’abolition du travail salarié lui-même. » Michael Seidman, Ouvriers contre le travail. Paris et Barcelone pendant les Fronts populaires.

Dans Ouvriers contre le travail. Paris et Barcelone pendant les Fronts populaires, Michael Seidman souligne donc la continuité de la résistance au travail, ignorée ou sous-estimée par les historiens du xxe siècle. Au moment des Fronts populaires, les ouvriers ont persévéré dans leurs pratiques de refus directs et indirects, d’absentéisme, de vol, de grève…

À Barcelone et à Paris, les luttes quotidiennes sur le lieu de travail faisaient de facto le procès du système production.

Les affrontements entre les ouvriers et les organisations ouvrières, dans les collectivités barcelonaises et les usines aéronautiques parisiennes, montrent bien la contradiction au sein des Fronts populaires, révolutionnaires ou réformistes, et leur vision pour le moins décalée du véritable enjeu révolutionnaire : travailler moins !

Flexibilisation du travail, précarisation des salarié-es, projet de modification du code du travail, je devrais dire « aménagement », c’est plus dans l’air du temps, du côté des manipulations oratoires courantes… Il y a aussi l’annonce que l’on va encore toucher les régimes de retraite malgré les belles promesses… Quel carton de la démagogie ! Et vive la crise qui permet de faire avaler des réformes inacceptables ! La « gauche » gouvernementale déroule le tapis rouge au libéralisme sans complexe et réactionnaire.

Dans ce contexte, un essai d’Alain Brossat vient de paraître chez L’Harmattan : Les serviteurs sont fatigués (Les maîtres aussi), qui décrit le retour de la figure ancienne de l’affrontement du serviteur avec son maître au cœur des rapports capitalistes contemporains.

« Les vigiles, gardiens, jardiniers, femmes de ménage et toute l’armée innombrable des personnels de service qui s’activent en ces lieux coupés du tissu social et urbain ordinaire pour le confort et la sécurité des maîtres effectuent des heures de transport incommodes pour rejoindre ces isolats sanctuarisés situés en règle générale au plus loin des quartiers populaires, cités, voire taudis et bidonvilles où ils vivent précairement avec leurs familles. On a là comme un instantané de ce qu’est la nouvelle condition d’éloignement des serviteurs avec les maîtres, de la plèbe d’avec le patriciat. Tout se passe, selon le nouveau régime sous lequel est inscrit leur relation, comme si les uns et les autres vivaient sur des planètes différentes. »

« Aujourd’hui, tout semble se passer comme si maîtres et serviteurs avaient perdu toute langue commune, au point que ce n’est plus l’“explication” ou l’“altercation” qui constitue le temps fort de leur confrontation — mais bien l’émeute. Comment expliquer ce brutal changement de régime ? »

« Le dispositif général de la communication s’est substitué aux échanges verbaux. C’est ce dispositif complexe, une production de la domination et sur lequel les maîtres règnent en maîtres, qui leur a notamment permis de reprendre l’ascendant sur les serviteurs — en proscrivant, précisément les échanges directs, les “altercations” supposant la mise en présence directe des corps et dans lesquels ils ont tout à perdre. La “communication”, c’est ce qui désormais permet aux maîtres de ne plus avoir à comparaître devant les serviteurs lorsque des litiges s’élèvent entre eux.[…] La « communication est ce qui permet de reprendre barre continuellement sur les dispositions, les pensées, les paroles et les gestes des serviteurs en les enveloppant dans des façons de dire, des syntagmes brevetés, des régimes de répartition du vrai et du faux, des formules “correctes”, des “éléments de langage” — bref tout un régime d’infiltration et d’emmaillotage de leurs modes de pensée et d’agir destinés à produire une sorte de maximum de conformité discursive et donc de docilité. »

Une « voie royale de la production du consensus » !

Les serviteurs sont fatigués (Les maîtres aussi) d’Alain Brossat (L’Harmattan)

La crise du capitalisme en Europe permet tous les abus et toutes les violences sociales. La Grèce est démantelée, paupérisée à une vitesse infernale, de quoi se demander si les décisions gouvernementales de ce pays ne sont pas des tests pour juger de la résistance des populations ou de leur résignation. À bon entendeur, salut ! Et ici, en est-on protégé-es de ce type de tests ? À voir !

La population est traitée comme autant de pions par des technocrates serviles et la dernière décision en date est celle, brutale, du gouvernement grec : couper la télévision publique, ce qui porte “un coup majeur contre la démocratie, le pluralisme des medias et au journalisme”. De là à poser la question d’un État qui, pour des raisons budgétaires imposées par d’autres États, déciderait de fermer les écoles et les hôpitaux !

Et puisqu’il est question d’État, il faut signaler la parution de la revue :

Réfractions, n° 30. De l’État

« L’anarchie » et «  l’État » sont deux réalités radicalement antinomiques et absolument incompatibles. De Bakounine à Malatesta, l’histoire de la pensée anarchiste foisonne d’analyses qui scrutent la nature profonde de l’État, et elle est riche en discours qui argumentent solidement les multiples raisons de son rejet. De même, les diverses pratiques déployées collectivement par le mouvement anarchiste, tout comme par les individus qui le composent, montrent à l’évidence que les anarchistes sont incurablement « réfractaires à l’État » et comptent parmi ses ennemis les plus irréductibles.

L’État moderne, en tant que forme d’organisation politique de la société et en tant qu’instance d’exercice du pouvoir, a pris son essor en Europe il y a quelque cinq siècles. Depuis, l’État a connu des transformations significatives, mais ces changements n’ont pas altéré les caractéristiques fondamentales de l’État en tant qu’institution investie du droit exclusif à l’usage de la force, ou en tant qu’institution imaginaire qui porte l’exigence de soumission. Ces changements représentent des « métamorphoses » de l’État qui adopte de nouvelles formes de fonctionnement et qui produit d’autres effets de pouvoir.
Réfractions tente de cerner et de comprendre, au moins partiellement, «  l’état de l’État » aujourd’hui pour orienter la lutte contre la domination et en faveur de l’autonomie politique. Ce qui amène à repenser la question de la raison d’État et de la souveraineté dans leur rapport à l’état d’exception, ou à revoir les liens tissés entre l’État et la guerre ainsi que la diversité des positions prises par les anarchistes dans les situations d’affrontement armé, ou encore à réfléchir sur les caractéristiques du nouvel État techno-managérial.

L’analyse du néolibéralisme et l’examen des modifications induites sur l’État sont incontournables pour un regard sur l’État contemporain, qui prenne en compte les particularités de l’économie capitaliste au XXIe siècle.

Bourdieu et Foucault sont mis ici à contribution de manière critique dans plusieurs textes. C’est ainsi que sont prises en compte la notion, fortement polémique, de « gouvernementalité » et celles de « pensée d’État »
et de « capital symbolique ».

http://refractions.plusloin.org/

La revue Réfractions paraît depuis 1997 à raison de deux numéros par an, chacun traite un sujet ou un thème différent.

Comprendre Hitler et les Allemands François Roux (Max Milo) Illustrations Yves Rouvière

Comment expliquer l’accession au pouvoir d’un homme aussi médiocre et peu cultivé que Hitler ? Comprendre le mouvement nazi et le régime du IIIe Reich ne peut se faire sans prendre en compte la personnalité d’Hitler. 
On pense évidemment au texte de Wilhelm Reich, Écoute, petit homme ! (1948).

Dans son précédent essai, Auriez-vous crié
 « Heil Hitler » ? Soumission 
et résistances 
au nazisme : l’Allemagne vue d’en bas, François Roux croise de nombreux témoignages et des travaux d’historiens pour souligner une question essentielle sur la possibilité de résurgence d’un régime fasciste aujourd’hui et du soutien de la population.

« Le fascisme est un mode de contrôle politique autoritaire qui émerge dans les sociétés industrielles capitalistes en réponse à une crise économique. » écrivait Larry Portis dans Qu’est-ce que le fascisme ? Et François Roux d’écrire en écho : « Quand la crise ébranlera le capitalisme, nul doute que l’oligarchie de l’argent qui gouverne la planète utilisera tous les moyens pour sauvegarder ses intérêts. »

Dans ce nouveau livre, François Roux s’attache à l’analyse de la personnalité d’un homme qui a mené toute une population vers un gouffre, de même que les comportements qui ont découlé de cette période.