Chroniques rebelles
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Samedi 30 novembre 2013
La Révolution fut une belle aventure Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934)
Paul Mattick (L’échappée). Traduit de l’allemand par Laure Batier et Marc Geoffroy. Préface de Gary Roth / Notes de Charles Reeve
Article mis en ligne le 1er décembre 2013

par CP

Né à Berlin et mort à Boston, Paul Mattick (1904-1981) est connu comme théoricien du communisme de conseils. Il laisse une œuvre importante traduite en de nombreuses langues, entre autres : Marx et Keynes, les limites de l’économie mixte (Gallimard, 2010), Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie (Entremonde, 2011).

Connu pour être un partisan des Conseils ouvriers et un théoricien des crises économiques,
Paul Mattick est certainement un témoin essentiel de l’époque de l’entre-deux guerres
mondiales, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, en Allemagne dans la période révolutionnaire entre 1918 et 1924 dans laquelle il est très actif, puis sa participation au mouvement radical étatsunien jusques dans les années 1940. Il s’engagera notamment
avec les IWW, et plus tard dans la lutte des chômeurs après le krasch boursier de 1929,
durant la crise qui a suivi et secoué tout le pays.

L’itinéraire de Paul Mattick est exemplaire, sans rupture, et ce long entretien en souligne l’importance dans le contexte actuel où la dépolitisation domine et le dispute à la morosité,
voire à la résignation.

Comme l’écrit Gary Roth dans sa préface, « Mattick s’appuie sur son histoire personnelle pour expliquer dans le détail les activités et les idées qui caractérisaient le mouvement radical. »
C’est là aussi l’intérêt de ce livre qui donne l’idée, quasiment au jour le jour, de ce qu’était
la lutte, en Allemagne, alors qu’il est très jeune, puis aux Etats-Unis. C’est un document
qui prête à réflexion sur la pérennité de la lutte, tant sur le terrain qu’au plan théorique.

Paul Mattick est né à Berlin en 1904, dans une famille ouvrière, et dès son jeune âge,
il se révolte contre l’autorité, notamment contre celle qui est exercée par ses professeurs.
Sa résistance se développe encore lorsqu’il est apprenti, cette fois envers les maîtres d’apprentissage. Dans cet entretien, enrichi des notes de Charles Reeve qui donne ainsi des repères et contextualise le récit, Mattick casse les généralisations, par exemple à propos du patriotisme de la population allemande. « Le patriotisme, [dit-il] qui était probablement
dominant dans la société, n’avait pas d’influence sur notre propre cercle, que ce soit à l’école
ou dans l’immeuble où nous logions.
 »

Mattick décrit les années cruciales de la révolution, le mouvement spartakiste, la lutte
militante sur le terrain, l’agitation dans les usines, dans les rues, la répression aussi pour
écraser toute velléité de révolte, les massacres, les liquidations… Un monde de chaos et de violence où se profile la montée des totalitarismes. Il reste critique sur les contradictions et
les luttes internes, et en même temps se refuse à l’idée de « séparation entre théorie et
pratique ou d’une préférence de l’une par rapport à l’autre
 ». Si la question du temps jouait
sur la formation théorique, elle était toutefois présente en arrière-plan dans
« l’organisation du mouvement et l’impératif de l’action ».

Paul Mattick échappe plusieurs fois à la mort, vit clandestinement — là évidemment on
pense à Ret Marut connu ensuite sous le nom de Traven — et comme ce dernier, il
émigre, mais vers les Etats-Unis. Fidèle à ses convictions, il s’engage à nouveau dans la lutte.
Faire de l’agitation, provoquer la réflexion et le refus de l’exploitation, casser les
comportements induits par un système inégalitaire fondé sur la hiérarchie, c’est une des particularités qui ressort dans ce témoignage, exceptionnel par son originalité et son actualité. L’approche critique « consiste à appréhender le présent à la lumière du passé ».

Dans la seconde partie de l’entretien, il revient sur les origines de son engagement :
« Nous étions en opposition avec la société existante […] il y avait un mouvement ouvrier
bien réel dont nous faisions partie, et qui cherchait sa voie révolutionnaire. » La Révolution
fut une belle aventure. Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934)
de Paul Mattick.

Décidément oui, La Révolution fut une belle aventure ! Et il ne tient qu’à nous qu’elle le soit encore !

Lectures par Laure Batier.