Chroniques rebelles
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Samedi 5 avril 2014
Espaces et sociétés. Où est passé le peuple ?
Avec Jean-Pierre Garnier, Anne Clerval, Violaine Girard.
Article mis en ligne le 6 avril 2014
dernière modification le 11 juillet 2014

par CP

Espaces et sociétés

Où est passé le peuple ?

Double numéro coordonné par Anne Clerval et Jean-Pierre Garnier

Entretien avec Anne Clerval, Jean-Pierre Garnier et Violaine Girard

Nous sortons d’une première phase électorale — les municipales — durant laquelle les incitations au vote sur fond de menace frontiste et sur l’air de la citoyenneté responsable n’ont guère innové dans la manipulation grossière de la part des politiques et des médias mainstream, comme on dit.

Des analyses politiques, des débats contradictoires sur les enjeux ou sur les problèmes existants, qui pourraient éventuellement déboucher sur une réflexion ou un questionnement… Point. Il ne reste que les slogans, le jargon, la COM, la pub, car il s’agit avant tout de mettre en place des écrans de fumée. Je vous passe la promotion récurrente du pacte de « responsabilité » et, depuis les résultats, du pacte de « solidarité »… Il faut bien dire que dès que ce genre d’annonce « flon flon » revient en litanie dans le discours politique et se répercute dans le langage, le plus souvent c’est qu’il y a une lacune, dans ce cas précis, de responsabilité et de solidarité. Évidemment, c’est en général destiné à faire passer une pilule amère, celle de la réduction des acquis sociaux, par exemple et entre autres.

Dans ce contexte électoral lobotomisant et navrant de vacuité, mais à rebondissement — la campagne pour les élections européennes commence bientôt —, la revue Espaces et sociétés publie un double numéro au titre « accrocheur » : Où est passé le peuple ?

Certains et certaines peuvent être tenté-es par l’amalgame entre peuple et populisme en guise de critique, pourtant, comme le souligne l’éditorial d’Anne Clerval et Jean-Pierre Garrnier,
« le terme “populisme” manié à l’envi par les politologues et les éditorialistes pour justifier l’amalgame entre les forces politiques de l’extrême droite et de la gauche radicale sert simplement à dessiner l’image répulsive d’un certain peuple, celle d’une masse ignorante manipulée et poussée à la violence par des “démagogues”, image qui permettra de discréditer au passage tous ceux [et toutes celles] qui persistent à situer le peuple du côté de l’émancipation. Or, se préoccuper du sort réservé aux classes populaires par l’urbanisation du capital, analyser la manière dont elles vivent la situation qui en résulte et à laquelle elles font face s’inscrit dans cette dernière perspective, et c’est pour délibérément l’assumer comme telle, que le vocable “peuple” a été préféré. »

Dans un domaine de recherche phagocyté de toute évidence par l’opportunisme et un consensus mou, dont la géographie urbaine n’a pas l’exclusivité, lors d’un entretien accordé à la revue Les Zindigné(e)s, Anne Clerval faisait cette remarque : « on étudie les villes et les disparités sociales en leur sein, avec comme seul horizon la mixité sociale, reprenant les maîtres-mots des gouvernants et de la gauche sociale-libérale autour du lien social, du vivre ensemble, en interrogeant que trop rarement les racines des inégalités, la façon dont le capitalisme façonne la ville, et les rapports de domination qui se jouent dans la ville […]
On explicite rarement ce qu’on entend par “classes moyennes”, “pauvres”, “exclus”, et
on a une vision du politique qui se limite à la décision des élus, en oubliant le rapport de force entre groupes sociaux et la mobilisation politique sur le terrain
 ».

Depuis les années 1980, on parle de « classes moyennes », d’« exclu-es », évacuant ainsi la notion de classe sociale pour lui préférer un flou politique et ne pas aborder la réalité et les raisons des inégalités sociales. Les rapports de classe perdurent cependant et sont parfaitement illustrés par le partage de l’espace urbain, par la « gentrification » de quartiers populaires et la marginalisation de toute une partie de la population.

La résistance existe toutefois, des formes de résistance, même si elles ne sont que peu
relayées — mais là nous touchons au problème de à qui appartiennent les médias ? —, les résistances existent donc malgré la répression, plus ou moins déguisée, malgré la « stratégie d’enfumage », les « mascarades citoyennes » utilisées par le pouvoir avec le « concours de chercheur-es aligné-es et de leaders associatifs », afin de contrôler les oppositions et plus généralement le « peuple ».

Où est passé le peuple ? se présente comme un dossier qui soulève de nombreuses questions, notamment sur les sciences sociales, des questions trop rarement abordées de nos jours, des questions qui dérangent, des questions qui fâchent…