Chroniques rebelles
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Samedi 16 août 2014
Une histoire oubliée, des événements autour de la mémoire, La Nueve montée par Armand Gatti, du cinéma…
Article mis en ligne le 22 août 2014
dernière modification le 27 août 2014

par CP

Lancement de toute une série d’événements : manifestations, colloque, cinéma, théâtre autour de La Nueve avec l’association du 24 août 1944.

Armand Gatti et Serge Utgé-Royo en répétition pour le spectacle théâtral de la Nueve

Contre le déni de l’histoire, l’association 24 août 1944 a pour but de faire connaître et de cultiver la mémoire historique (écrite, enregistrée, iconographique, artistique, etc.) de la Libération de Paris en 1944, en liant cette célébration à la participation des antifascistes espagnols de la 2e DB, en exposant toutes les facettes de cette lutte commencée le 19 juillet 1936 en Espagne et continuée sur différents fronts en Europe et en Afrique, et plus particulièrement dans les maquis en France. Pour beaucoup de femmes et d’hommes, elle se prolongea dans le combat contre le franquisme, jusque dans les années 1960.

Quand la Catalogne tombe, en janvier 1939, après deux ans et demi de combats contre l’armée putschiste de Franco, aidée par Hitler, Mussolini et Salazar, un demi-million d’Espagnols, sous les intempéries et les bombardements, franchissent la frontière française. Ils sont internés dans des camps de concentration improvisés, clos de barbelés : Gurs, Argelès, Bram, Saint-Cyprien, Le Vernet-d’Ariège... Au cours des premières semaines, près de 15 000 de ces exilés, désespérés, meurent de faim, de maladie, de froid...

Devant l’imminence de la guerre avec l’Allemagne, plusieurs dizaines de milliers de ces Espagnols sont incorporés à l’effort de guerre dans les compagnies de travailleurs étrangers (CTE) ou dans la Légion étrangère. Seule alternative : le retour en Espagne franquiste, au péril de leur vie !

Avec l’Armistice, la situation s’aggrave. Aux yeux de Vichy, ces réfugiés sont des « rouges », potentiellement dangereux. L’Afrique du Nord « accueille » nombre d’entre eux ayant échappé à la répression fasciste en traversant la Méditerranée depuis les côtes espagnoles. Les autorités françaises en envoient environ 20 000 vers les camps d’internement et de discipline du Maroc, de Tunisie et d’Algérie. D’autres périssent dans des geôles vichystes ou sont déportés dans des camps nazis (comme Mauthausen, où sont morts les deux tiers des 7 200 internés). Sortis des camps français, des milliers de soldats espagnols se battent contre les Allemands, sur tous les fronts : dans les Forces françaises libres au sein de la Résistance française...

En Afrique, après des batailles contre Vichy et les divisions allemandes du général Rommel, une partie de ces milliers d’Espagnols est intégrée à la 2e division blindée (2e DB) du général Leclerc. Au sein de cette division, la 9e compagnie, la Nueve, est commandée par le capitaine français Dronne, mais les autres postes de responsabilité sont tenus par des Espagnols ; la langue de la compagnie est le castillan et une forte composante des hommes est anarchiste, antimilitariste...

Unité d’avant-garde en raison de son expérience de la guerre en Espagne, la Nueve est dotée de l’armement le plus moderne : depuis sa base, au Maroc, avec ses 22 véhicules chenillés — des half-tracks —, elle est transportée en Angleterre pour participer au débarquement. À l’aube du 1er août 1944, la compagnie débarque en Normandie. Elle participe à de violents combats et libère diverses agglomérations, au prix de nombreuses pertes. Puis elle se dirige vers Paris. L’après-midi du 24 août 1944, la Nueve traverse la ceinture de feu qui protège la ville et fonce vers le centre. De nombreux Parisiens acclament les libérateurs : en tête de la colonne, le Guadalajara est le premier véhicule à atteindre l’Hôtel de Ville, et le lieutenant « français » Amado Granell est le premier soldat de la 2e DB à rencontrer les représentants de la Résistance. La radio annonce l’événement ; les cloches retentissent et les Parisiens sortent dans la rue. Sur l’esplanade de l’Hôtel de Ville, la foule chante la Marseillaise et les Espagnols entonnent des chants de la résistance au fascisme.

Avec Serge Utgé-Royo, Daniel Pinos et Cristine Hudin…

Une histoire oubliée, des événements autour de la mémoire, La Nueve montée par Armand Gatti …

Toute une série d’événements à partir du 22 août :

un colloque, du théâtre autour des témoignages de La Nueve, une manifestation et du cinéma…
avec l’association 24 août 1944.

Il y a 70 ans, Paris était libérée par les troupes de la 2e DB du général Leclerc et la Résistance intérieure. Mais la « commémoration » passe aisément sous silence que les premiers libérateurs, ceux de la compagnie de la « Nueve » étaient des républicains espagnols, dont de nombreux anarchistes de la CNT-FAI. Et ce fut cette compagnie qui arriva la première place de l’Hôtel de Ville, celle qui fit la jonction avec Résistance parisienne et dégagea la route pour les alliés. Cette unité espagnole sous les ordres du capitaine Dronne, s’exprimait en castillan et était plus connue sous le nom de La Nueve.

Les républicains espagnols se battaient également depuis longtemps auprès de la Résistance, dans les maquis du plateau des Glières, du Vercors, en Bretagne, en Gironde, dans le Massif central… Ils et elles ont participé à la libération de 27 villes françaises. Pour ces hommes et ces femmes, le combat contre les nazis n’était que le prolongement de la guerre contre les franquistes en Espagne. Et leur détermination était de combattre jusqu’au bout.

C’est donc un pan de l’histoire passée à la trappe que l’Association 24 août 1944 tient à commémorer cette année, en rappelant le rôle important des Espagnols de la Nueve et des Espagnol-es qui ont combattu dans les maquis aux côtés de la Résistance française pour abattre le totalitarisme fasciste. Avec l’idée que le nazisme et le fascisme vaincus, écrasés, ils et elles repartiraient combattre les fascistes franquistes de l’autre côté des Pyrénées.

La Nueve par Armand Gatti

Comme cela était annoncé dans l’émission du 21 juin dernier, et comme je m’y étais engagée, je me suis glissée durant les répétitions de La Nueve, mise en scène par Armand Gatti, pour prendre des sons. En attendant le spectacle du 23 août à la Parole errante — le lieu de Gatti à Montreuil —, j’ai voulu vous donner un avant-goût d’une réalisation en plein processus de construction. Les voix qui portent et se lancent, la scénographie qui s’élabore, une recherche commune, en groupe, une spontanéité porteuse d’émotion, de sincérité et de spontanéité…
Et soudain, les témoignages prennent corps dans le récit d’une histoire commune et universelle.

Des ouvriers, des paysans, voilà ce qu’étaient les combattants de la Nueve qui, simplement et sans en tirer gloire, n’abandonnaient rien de leur idéal de liberté, et cela au péril de leur vie.
Dans l’espace familier de la Parole errante, j’ai évidemment repensé aux concerts, aux animations organisées dans cet endroit, toujours dans le contexte militant d’une transmission de l’histoire sociale, internationale et populaire. Je me suis souvenu aussi d’une autre lutte importante de « notre » histoire, lorsque que Peter Watkins a tourné La commune de Paris, ici même dans les espaces de la Parole errante.

C’est contre le déni de l’histoire — l’histoire officielle —, que l’association 24 août 1944 s’est donné le but de faire connaître et de cultiver la mémoire de la Libération de Paris en 1944, en liant « cette célébration à la participation des antifascistes espagnols de la 2e DB, en
exposant toutes les facettes de cette lutte commencée le 19 juillet 1936 en Espagne et continuée sur différents fronts en Europe et en Afrique, et plus particulièrement dans les maquis en France.
 » Pour beaucoup de femmes et d’hommes, elle se prolongea dans le combat contre le franquisme, jusque dans les années 1960.

Merci à Serge, Daniel, Bernard, Frank, Juan, Hugo et Jean-Marc de m’avoir acceptée durant leurs répétitions.

La Nueve par Gatti sera jouée le samedi 23 août à 20 heures à La Parole errante

(9 Rue François Debergue, 93100 Montreuil, métro Croix de Chavaux)

et

Le samedi 6 septembre au cinéma La Clef

(34 rue Daubenton, 75005 Paris, métro Censier Daubenton)