Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 14 mars
40 ans des Productions de La Lanterne vus par leurs réalisateurs de Michèle Rollin et Qui a tué Ali Ziri de Luc Decaster
Article mis en ligne le 16 mars 2015
dernière modification le 9 juin 2015

par CP

40 ans des Productions de La Lanterne

vus par leurs réalisateurs

Film documentaire de Michèle Rollin

et

Qui a tué Ali Ziri ?

Film documentaire de Luc Decaster

Dans un moment de grande confusion idéologique et de perte de repères, il est bon de voir ou de revoir des films qui ont quelque chose à dire, des films qui se font l’écho des luttes et des réflexions à mener.

Michèle Rollin est la réalisatrice de plusieurs chroniques libertaires, dont Un siècle d’engagement à travers le journal Le Libertaire, également un documentaire sur Radio Libertaire, et elle est l’auteure d’un film qu’il a été possible de voir récemment à Publico, Des femmes inconnues, de gauche, pacifistes et antifascistes portent des regards croisés sur leur propre engagement entre les deux guerres en France, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, et de bien d’autres films… Il s’agit aujourd’hui de son nouveau film, en deux parties, 40 ans des Productions de la Lanterne vus par leurs réalisateurs [1]. La Lanterne est une maison de production indépendante, fondée dans la mouvance de 1968, et c’est toute une aventure cinématographique, comme celle d’Iskra ou des productions du grain de sable… Il sera donc question aujourd’hui de cinéma engagé, de cinéastes qui ont des choses à dire, de luttes, d’expériences, de résistances et de solidarité…

En quarante ans, «  la Lanterne a réalisé une œuvre à plusieurs mains, une anthologie de regards d’auteurs, constituant ainsi une véritable “cinémathèque de l’en dehors” ». Cela valait bien deux films.

La lanterne, c’est un joli nom pour une maison de production innovante, originale, voulant aborder des événements, des personnages, sous des angles cinématographiques hors normes et montrer des initiatives différentes. Bref, favoriser les travaux de réalisateurs et de réalisatrices qui n’auraient peut-être pas eu l’opportunité d’exprimer leur propos dans d’autres structures de production.

Je ne sais pas si le choix du nom venait du nom du journal subversif ou de l’expression « éclairer sa lanterne », il n’en demeure pas moins approprié au vu des productions que l’on découvre grâce à ces films.

Claude Gilaizeau et Bernard Baissat

La lanterne s’arrête et il fallait donc en garder la mémoire. La réalisation de Michèle Rollin y contribue, avec des extraits de films alternant avec la parole de cinéastes, des auteur-es, des cinglé-es de cinéma, sur leurs expériences et leur rapport à la création cinématographique… Cela donne 40 ans des Productions de la Lanterne vus par leurs réalisateurs, deux films où se mêlent témoignages et réflexions sur le cinéma d’auteur et engagé, une manière d’affirmer à nouveau que le cinéma peut-être un support de réflexion, de lutte, a contrario de la daube lobotomisante qui squatte largement les grands et les petits écrans.

Luc Decaster

Qui a tué Ali Ziri ? de Luc Decaster, est un film dans la lignée des films de la Lanterne. Un film sur les violences policières et le deux poids deux mesures appliqué en toute légalité, et avec cynisme, par la justice de l’État français. Distribué par Zeugma films, Qui a tué Ali Ziri ? sort prochainement sur les écrans. Il décrit la lutte déterminée d’un collectif de quartier, Vérité et Justice pour Ali Ziri, pour enfin connaître ce qui s’est passé cette nuit du 11 juin 2009.
Lors d’un banal contrôle routier, Areski Kerfali, 61 ans, et son ami, Ali Ziri, 69 ans, sont interpellés par la police nationale d’Argenteuil. S’ensuit une arrestation musclée et raciste à l’encontre des deux retraités qui sortent d’une fête de mariage. Au commissariat, ils sont tabassés, puis transportés à l’hôpital. Ali Ziri est dans le coma et décède deux jours plus tard.

À partir de là, la police n’a de cesse de dissimuler les conditions de cette arrestation, de refuser de faire visionner la vidéo à l’avocat chargé de l’affaire, une vidéo qui montre l’intérieur du commissariat à cette date. Un autre commissariat refuse d’enregistrer la plainte d’Areski Kerfali, sous prétexte qu’elle met en cause des « collègues », et finalement des non lieux sont prononcés…

Les conditions d’incarcération demeurent donc dissimulées, les violences sont niées par la police, malgré les preuves tangibles sur les corps des victimes et les témoignages qui confirment que le vieil homme n’a pas été secouru après avoir subi un passage à tabac.

Qui a tué Ali Ziri ? commence par une marche silencieuse avec la banderole du collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri. La demande de vérité et de justice est un long chemin semé de provocations, de condamnations absurdes à l’encontre d’Areski Kerfali par la justice, alors que lui-même a été blessé pendant l’arrestation. Blâmer les victimes est un processus bien connu.

C’est la France bleu marine comme l’écrit Maurice Rajfus : « Dans un pays où la police parle bien plus de ses droits que de ses devoirs, quel espace de liberté peut bien subsister pour les citoyens ? Ces droits revendiqués par les policiers ne peuvent que signifier, parallèlement, le renoncement à la critique quant à la qualité de leurs activités. Lorsque la parole du policier ne peut être réfutée, c’est toute la liberté d’expression qui 
se trouve mise en cause […]. Il est nécessaire que des témoins ou des observateurs se fassent entendre. »

Le collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri poursuit toutefois ses demandes, même si le travail de mémoire et de justice semble un éternel recommencement…

Manifestation 2011 (CP)

La liberté d’expression doit s’exercer chaque jour, pour tout le monde… Et pas seulement dans les grands-messes organisées par l’État.

Dommage que l’indignation nationale ne se mobilise pas tout aussi spontanément et massivement pour dire : Halte aux violences policières !