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Samedi 11 avril 2015
On récolte ce que l’on sème d’Alaa Ashkar. Certifiée Halal de Mahamoud Zemmouri. Taxi Téhéran de Jafar Panahi. Revues…
Article mis en ligne le 11 avril 2015
dernière modification le 24 avril 2015

par CP

On récolte ce que l’on sème

Film documentaire d’Alaa Ashkar

Certifiée Halal

Film de Mahamoud Zemmouri qui sort le 13 mai sur les écrans

Taxi Téhéran

Film de Jafar Panahi qui sort le 15 avril

Revues : Cassandre/Horschamp, Article 11, CQFD, Fakir

On récolte ce que l’on sème

Film documentaire d’Alaa Ashkar

On récolte ce que l’on sème. C’est le second film documentaire d’Alaa Ashkar. Après Route 60, d’où émergeait, en filigrane, une prise de conscience de la spécificité des règles auxquelles est soumise la population palestinienne en Israël — estimée aujourd’hui à 20 % —, Alaa Ashkar poursuit ici l’étude d’une "minorité" dont on mesure l’importance à l’aune des mesures discriminatoires mises en place par l’État israélien.

Le réalisateur vit aujourd’hui en France, mais retourne régulièrement en Galilée pour des visites familiales. Il a ainsi constaté les évolutions rapides de l’espace urbain dans cette région et, avec le recul, a mesuré l’influence de celles-ci, notamment sur son entourage proche. D’une caméra discrète, il dresse un portrait intime de sa famille, qui, sans paraître s’en préoccuper, vit les effets d’une colonisation rampante, liés bien évidemment à l’escamotage, voire l’éradication de la mémoire palestinienne. Ce phénomène, qui a suscité en partie le projet du réalisateur, le conduit à mettre en lumière, au fil des observations croisées et des échanges quotidiens, le statut particulier de ces Palestiniens et Palestiniennes ayant la nationalité israélienne, sans toutefois bénéficier de l’égalité des droits à la citoyenneté.

Le synopsis est à la fois simple et complexe. Il renvoie à l’idée de la mémoire manipulée à des fins politiques. Comme le souligne Tamara Erde dans son film, This is Our Country, l’histoire des populations, qui ont vécu en Palestine, dans le Proche et le Moyen Orient avant la création de l’État israélien, est absente des manuels scolaires. Donc, aucun questionnement sur l’existence, les droits, les réalisations des populations présentes dans cette région avant 1948. L’histoire est subversive, on le sait, et l’histoire officielle est écrite par les vainqueurs.

Dans sa note d’intention, le réalisateur part de l’observation de sa nièce, Miral, qui révise un cours sur la citoyenneté en Israël : « Les Juifs ont vécu en Israël, il y a 2000 ans ; ils ont été expulsés, ont vécu de longues périodes d’exil dans la souffrance et l’oppression. Maintenant, ils sont enfin de retour dans leur patrie. ». Une fois la leçon mémorisée, l’adolescente se plonge immédiatement dans une série états-unienne, sans poser de questions sur la partialité de ce qu’elle vient de répéter.

« Cette scène [écrit Alaa Ashkar] est à la genèse de mon envie de
faire ce film. En tant que Palestinien citoyen d’Israël, j’ai grandi dans une famille traditionnelle chrétienne au sein de laquelle parler de nos origines palestiniennes et du vécu autour de 1948 était réprimé. Parce que cette mémoire était profondément douloureuse, ma famille s’est abstenue de transmettre aux enfants cette histoire de souffrance. C’était peut-être
aussi destiné à faciliter notre assimilation dans le nouvel État d’Israël.
Le terme “palestinien” est ainsi devenu pour moi quelque chose d’extérieur
et d’intime à la fois. J’ai en quelque sorte hérité de la peur de m’identifier
en tant que Palestinien. Très jeune, outre le fait que l’histoire du XXe siècle
au Moyen-Orient est absente des manuels scolaires en Israël, la crainte
que ressentait ma famille s’est transformée chez moi en une inquiétude
que je ne m’explique pas. »

 »

Vivre à l’étranger et découvrir d’autres interprétations historiques de la situation a pour conséquence l’émergence d’une vision différente de ce que Larry Portis qualifiait de sociocide, c’est-à-dire une propagande visant à annexer l’histoire d’une société, à la nier pour ainsi la faire disparaître.

-Freebird Films

 5 rue blanqui
 Appt 31
 33300 Bordeaux
 Tel : 07 87 70 49 72
 Email : contact.freebirdfilms@gmail.com

Pour voir un extrait du film : http://freebirdfilms.com

Certifiée Halal

Film de Mahmud Zemmouri

Certifiée Halal ou les droits des femmes bafoués, vus à travers le prisme de la comédie populaire. La sortie nationale du film est le 13 mai.

On se souvient de la comédie de Mahmoud Zemmouri, 100 % Arabica, où le spectacle était autant sur l’écran que dans la salle. Cette fois, Zemmouri aborde de plein fouet le machisme avec un sujet dramatique, celui des mariages forcés. Avec sa co-scénariste Marie-Laurence Attias, il n’a pas hésité à forcer le trait pour se moquer du patriarcat tout en traitant d’un problème grave.

Voici donc Kenza, une jeune fille intelligente et revendiquant son indépendance, face à un frère borné qui s’autoproclame chef de famille et gardien de l’honneur familial. Pas question d’accepter que sa sœur ait des velléités militantes et féministes et, après une émission de télé à laquelle elle participe, il décide de la marier au bled par Internet, évidemment sans son consentement. Il en va de l’honneur de la famille et du quartier. Kenza est donc droguée et embarquée pour un voyage en Algérie à vue matrimoniale.

S’ensuit une série de quiproquos basés sur le décalage entre traditions et modernité technologique, farce et abus de pouvoir. Bref, le frère marieur, en mal d’autorité, aura bien des surprises.

Si le code de la famille algérien fait des femmes des mineures à vie depuis 1984 — déjà plus de 30 ans —, les Algériennes prouvent, elles, dans le film, qu’elles ont de la ressource pour résister à l’emprise du patriarcat.

Truculent et drôle, Certifié Halal est filmé en partie dans la très belle région de Biskra, les comédiens et les comédiennes sont pour beaucoup les habitants de la région et Mahmoud Zemmouri montre là son talent de directeur d’acteurs. Sur fond de bagarres, d’affrontements, de coups de théâtre, de comique de situations et de musique, Certifiée Halal s’attaque à l’inégalité des sexes, aux mariages forcés et plus particulièrement au ridicule du machisme algérien.

« Dommage que ce n’est pas une femme qui a fait le film ! » dit Zemmouri au début de l’entretien qui a eu lieu le 26 octobre, en compagnie de Marie-Laurence Attias. Le film sera sur les écrans le 13 mai prochain.

Taxi Téhéran

Film de Jafar Panahi

Sortie nationale le 15 avril

Plan fixe, le temps d’un feu rouge. Les rues de Téhéran cadrées par la vitre avant d’un taxi. Pas de générique, alors on entre directement dans le film, et le périple commence au sein de la société iranienne, car les personnes, une fois assises dans le taxi, racontent leur quotidien, s’expriment sur la vie, la mort, la censure qui revient à plusieurs reprises… Le taxi en commun roule et est hélé par un homme qui exprime la nécessité de la peine de mort, pour faire exemple et préserver l’ordre. Le chauffeur ne dit rien, mais une femme sur le siège arrière tente d’argumenter sur l’absurdité de la peine capitale. Elle est enseignante. «  Ça ne m’étonne pas ! » s’esclaffe le client qui estime que la pendaison est le règlement des problèmes sociaux. Très énervé, il quitte le taxi et un troisième client monte dans la voiture. Il reconnaît le chauffeur qui n’est autre que Jafar Panahi : « Vous vous souvenez, je vous ai livré des DVD censurés… » ajoute-t-il.

Ainsi, se succèdent des personnages qui, par bribes, révèlent leur vie, leurs débrouilles et, surtout, illustrent à merveille la passion de Jafar Panahi de faire du cinéma, malgré l’interdiction qui lui est faite par le gouvernement d’exercer son métier de cinéaste. Interdiction qu’il outrepasse, puisque plusieurs de ses films ont clandestinement passé les frontières, dont Taxi Téhéran. Le cinéma iranien rivalise d’inventivité et d’astuces pour filmer la réalité, une vision différente d’une société avide d’espaces d’expression et de liberté. On se souvient du film de Bahman Ghobady, Les Chats persans, où plusieurs des scènes avaient été filmées sans autorisation.

Après Ceci n’est pas un film et Rideau fermé, Jafar Panahi rêvait de sortir et de filmer dans la ville, mais sans prendre de risque pour l’équipe de tournage. Germe alors l’idée de « faire rentrer la ville dans un taxi ». Une expérience, puisqu’il n’y a pas la place pour une équipe technique à l’intérieur du taxi : «  Le tournage [dit-il] a démarré le 27 septembre 2014 pour une durée de quinze jours. Les acteurs sont tous des non professionnels, des connaissances ou les connaissances de connaissances. La petite Hana, l’avocate Nasrin Sotoudeh et le vendeur de DVD Omid jouent leur propre rôle dans la vie. L’étudiant cinéphile est mon neveu. L’institutrice, la femme d’un ami. Le voleur, l’ami d’un ami. Le blessé vient lui de province. » Jafar Panahi montait chaque soir les rushes tournés dans l’après-midi et dissimulait les back up dans plusieurs endroits au cas où…

Une caméra — en fait il y en a trois — dans un lieu unique, l’intérieur du taxi, des personnages qui discutent… On pourrait craindre la pauvreté cinématographique due aux moyens contraints, et c’est tout le contraire qui fait de Taxi Téhéran un chef d’œuvre d’humour et d’émotions. L’image est mobile, suit les personnages, les conversations, joue avec une caméra extérieure manipulée par Hana, adolescente à la langue bien pendue, ou encore utilise les téléphones portables pour s’amuser du procédé, le film dans le film.

Le taxi est stoppé par des passants pour secourir un blessé. La femme se lamente et l’homme redoute de mourir en la laissant sans ressources. On filme alors son testament avec le portable du chauffeur-réalisateur.

Plus tard, deux femmes montent dans le taxi, avec dans un bocal des poissons qu’elles doivent relâcher dans la rivière, avant midi… Question de vie ou de mort. Et le périple continue, d’anecdotes en rebondissements, tissant des liens entre cet éventail social et la passion du cinéma de Jafar Panahi : « Le cinéma est ma manière de m’exprimer [déclare-t-il] et ce qui donne un sens à ma vie. Rien ne peut m’empêcher de faire des films, et lorsque je me retrouve acculé, malgré toutes les contraintes, la nécessité de créer devient encore plus pressante. Le cinéma comme art est ce qui m’importe le plus. C’est pourquoi je dois continuer à filmer quelles que soient les circonstances, pour respecter ce en quoi je crois et me sentir vivant. »

Taxi Téhéran est à voir absolument. Le film a gagné l’Ours d’or au festival de Berlin et sort mercredi prochain, 15 avril.

Cassandre HorsChamp, N° 100

Pour fêter les 20 ans d’existence de la revue, qui traverse en ce moment une zone de fortes turbulences, trois jours de partage artistique et de débats ininterrompus auront lieu à la Maison de l’Arbre de Montreuil (chez Armand Gatti) les 24, 25 et 26 avril prochains.

Réfractions

Outre les numéros, le n° 33 qui a pour titre De la nature humaine, il y a le site de la revue avec ses brèves et ses nouvelles : http://refractions.plusloin.org/

Article 11

Dernier n° papier, le canard sauvage tire sa révérence avec ses chroniques, ses entretiens et ses reportages… Dernier n° du trimestriel et il y a de quoi lire et regarder, 40 pages où les participants et participantes se sont lâché-es. Ça commence comme ça : « La libre communication des produits et de la pensée unique est un des droits les plus précieux fr l’homme riche. Tout larbin peut donc parler, écrire, imprimer, gémir librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi du…marché ! »

À noter en pages 17-18 l’article de Serge Quadruppani, Toucher le fond. Sur les attentats djihadistes des 7,8 et 9 janvier à Paris et leurs suites.
Mais le blog est toujours là : www.article11.info

CQFD

Le N° 131 d’avril est dans les kiosques.

Fakir

On l’attend et je pense qu’il parlera de la grève à Radio France.