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Samedi 7 novembre 2015
¡NO PASARÁN ! concert du trio Serge Utgé-Royo. Lectures mises en scène par Jean-Marc Luneau. 37ème festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier
Article mis en ligne le 9 novembre 2015
dernière modification le 14 décembre 2015

par CP

Un concert et des témoignages

¡NO PASARÁN !

Lundi 23 novembre le trio Utgé-Royo

sera sur la scène du Vingtième théâtre à 20 heures.

Pour en parler, nous sommes en compagnie de
Serge Utgé-Royo, Mireille et Daniel Pinos, Cristine Hudin

CONCERT TRIO UTGÉ-ROYO

¡NO PASARÁN !

Lundi 23 novembre, le trio Utgé Royo sera sur la scène
du Vingtième théâtre à 20 heures

Le concert est précédé, en première partie d’une mise en scène

de paroles de résistants et de résistantes espagnoles

Un trio qui accueillera deux ami-es, Jack Thysen et Deborah Nissim

En première partie, des lectures de textes de combattant-es antifascistes espagnol-es dans une mise en scène de Jean-Marc Luneau.

Réservations 01 43 52 20 40 ou 06 12 25 52 85

ou edito.hudin@wanadoo.fr

Toutes les infos sur www.utgeroyo.com

Il était une fois un poète, un chanteur — auteur-compositeur-interprète, comédien, dit-on généralement pour cerner les multiples talents de Serge —, donc il était une fois un artiste, un conteur d’ici et d’ailleurs, parce qu’il lui est impossible de choisir entre le canal Saint Martin, Barcelone, le quartier du Raval ou la Castille… Pourquoi en effet devrait-on limiter les influences et se priver des images, des sons, des paroles, des saveurs, d’un au delà des frontières riche, attrayant, universel ?

Serge Utgé-Royo l’engagé, le curieux des autres sait s’entourer d’amitiés musicales et fécondes.

Il y a Léo Nissim, compositeur, pianiste, imprégné de Méditerranée ; Jean My Truong, compositeur, batteur se coulant dans tous les univers rythmiques, du jazz à l’Asie… Et cela donne le Trio Utgé-Royo. Autrement dit, la rencontre de « trois compagnons de route [qui] croisent leurs histoires et mêlent leurs racines d’exils, leurs mots et leurs notes, leurs souvenirs et leurs influences, hispaniques, latines, orientales... »

Sur scène ou en studio, cela se traduit par des « accents, [des] rythmes jazz ou blues, latinos ou classiques, traditionnels ou contemporains... » Avec le Trio Utgé-Royo, on partage les sourires, les mots, les révoltes, les détournements, le goût « des musiques simples et riches, mélodieuses et orchestrées pour mieux servir le verbe », la vie
quoi !

Lundi 23 novembre le trio Utgé-Royo sera sur la scène du

Vingtième théâtre à 20 heures avec des chansons de résistance,

traditionnelles et sociales, pour dire encore une fois No Pasaran !

En première partie, ce sera la mise en scène par Jean-Marc Luneau de

témoignages de cet élan révolutionnaire qui marqua l’Espagne, d’exilé-es,

de résistants et de résistantes.

En septembre 1936, le journal Mujeres Libres, Femmes libres, déclarait :
« L’entreprise la plus urgente à réaliser dans la nouvelle structure sociale est de supprimer la prostitution. Avant de nous occuper d’économie ou d’enseignement, dès maintenant, en pleine lutte antifasciste, nous devons en finir radicalement avec cette dégradation sociale. Nous ne pouvons pas penser à la production, au travail, à aucune sorte de justice, tant que demeure le pire des esclavages, qui empêche complètement de vivre dignement. »

Les paroles se suivent, se complètent, fortes, lucides : « En Espagne, la République a fait de nombreuses et importantes choses pour la population. C’est pour ça qu’on l’a attaquée et qu’on a voulu la faire disparaître ! »
Il fallait bien ces témoignages, ces chansons pour contrer l’ambiance actuelle d’individualisme et de frustration latente, de propagande grossière, d’indifférence, d’inconscience pour retrouver les accents de résistance et de solidarité, pour dire : No Pasaran !

Que peuvent des artistes et leurs chants dans une atmosphère sociale et politique aussi étrange qu’inquiétante : spasmes religieux avec mise à mort, crispations populaires avec tentation électorale du pire, spectacle médiatique des guerres et des haines ? Il y a là matière à rugissements...
Alors, que faire ? Résister, dire, encore et toujours, que les mots, les musiques, l’expression artistique sous toutes ses formes nous aident à respirer dans le brouillard, à rire dans l’angoisse, à se compter au milieu de la vague obscurantiste et mortifère, à sourire des fous et des puissants, mais aussi de ceux que l’on veut aimer...

Amis dessous la cendre, une chanson de Serge Utgé-Royo qui sonne comme un cri d’alarme que beaucoup ignorent hélas.
Belle introduction pour un texte rappelant les actes d’une reine qui prêchait le racisme, qui condamnait l’autre et toutes les idées d’humanisme universel, éradiquant avec force anathèmes le mélange des cultures au nom d’un dieu qui justifiait tous les crimes :

Isabelle la catholique n’avait pas l’esprit chrétien

Des premiers chrétiens des âges qui parlaient d’humanité…

Elle saigna le Nouveau Monde et blessa le monde ancien

De sa foi un peu brutale et sa croix comme une épée.

Elle a jeté, pêle-mêle, dans les diasporas humaines

Mille mélopées arabes, la longue mélodie juive.

Elle n’a gardé pour l’Espagne que ses légions inhumaines,

Une armée de matamores, des caravelles de givre.

Isabelle la catholique n’avait pas l’esprit chrétien.

Pauvre terre sans sourires, aux savants mal cultivés ;

Pauvre péninsule borgne, vidée de sa poésie,

Des siècles d’obscurantisme sur la terre dévastée,

Des siècles de longue errance pour un peuple sans patrie.

Marche, marche vers la vie, porte encore ton équipage ;

Montpellier garde la trace, Salonique en fait autant ;

On raconte que, là-bas, le sultan était un sage ;

Dans de larges bras ouverts, tu t’y reposas longtemps.

Isabelle la catholique n’avait pas l’esprit chrétien.

Sur les rives de la France, le peuple s’est assoupi.

L’odyssée a fait sa boucle, cinq cents ans d’éternité…

Malgré des lambeaux de haine, un peu d’amour a suffi.

Le juif errant de Tolède, doucement, s’est déchaussé.

Isabelle la catholique n’avait pas l’esprit chrétien.

TÉMOIGNAGES (Vingtième Théâtre, 23 novembre 2015)

37ème festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier

Le cinéma méditerranéen, c’est regarder au-delà des murs, des normes, de l’histoire officielle et des clichés… Le cinéma méditerranéen offre une perspective rare et évolutive des cultures dans toute leur diversité, leur humour, leur engagement, leur créativité multiple et multiforme.

Le 37ème CINEMED, festival étonnant, grave, festif, a offert cette année encore une fois une palette de visions à réfléchir et des images superbes…

Argentina de Carlos Saura

À commencer par le nouveau film de Carlos Saura présenté en avant première, ArgentinaZonda, il préfère ce titre —, film éblouissant par la forme et le choix de la mise en scène, de la scénographie du tournage, profond par la démarche et les paroles qui s’y chantent. C’est l’esprit d’un peuple dans les chansons et la danse, comme l’essence de la révolte et l’expression vitale de la générosité amoureuse. Carlos Saura réussit dans ce film à nous imprégner du rythme et des images de l’Argentine subversive, éternelle. Véritable poème en images et en sons, « un conte musical axé spécialement sur l’art » de la musique et de la danse, Argentina « constitue un prisme d’images et de sons d’où émane, avec une profondeur et un regard original, une mosaïque conceptuelle et affective d’un art venu de la terre, transmis par les hommes et les femmes vivant sur ce sol étendu et pluriel » de l’Argentine. Le film sera sur les écrans fin décembre.

Argentina de Carlos Saura

À noter que plusieurs des films de l’œuvre immense de Carlos Saura, qui nous était donnée à voir en rétrospective, seront rassemblés dans un coffret de DVD édité par Tamasa. Dix films restaurés et emblématiques de l’itinéraire cinématographique de ce très grand réalisateur espagnol, auteur d’une quarantaine de films.

Sur les dix longs métrages inédits en compétition pour l’Antigone d’or, six étaient des premiers films. Le lien commun est certainement le regard porté par les réalisateurs et les réalisatrices sur leur société, pour en comprendre les blessures et les absurdités, les systèmes hérités de conflits, d’interdictions pour contrôler et étouffer les initiatives au sein des peuples. Observer, écouter et raconter une histoire, une facette de la réalité… De Dolanma de Tunç Davut, huit clos en forêt hors du temps où se heurtent trois personnages perdus dans une solitude sans issue, à Lazar de Svetovar Ristovski qui se situe en Macédoine dans le milieu de la mafia locale des passeurs d’émigrés, on revient au système dans lequel les êtres humains se débattent et ne comptent souvent pas plus que des pions éphémères.

Dolanma de Tunç Davut (long métrage compétition)

La guerre, la migration pour survivre, le silence imposé, les non dits ordinaires se répètent par le truchement de récits de vie et d’expressions différentes. Trois fenêtres et une pendaison d’Isa Qosja raconte le double enfermement des femmes kosavares violées pendant la guerre. Les traditions patriarcales et le déni en font des victimes et des coupables. Mais c’est aussi le récit d’une femme qui décide envers et contre tous de transgresser le tabou.

Riverbanks de Panos Salaviza

Riverbanks de Panos Salaviza est construit comme une tragédie antique, le récit d’un Orphée moderne, démineur sur la frontière gréco turque, et d’une Eurydice qui aide des migrants à passer la frontière. Amama d’Asier Altuna met en scène l’opposition du monde rural et du monde urbain, opposition dominée par les symboles et l’imaginaire du passé. Un film troublant et métaphorique, habité par une femme muette, l’aïeule, scandé par des photos minérales et des arbres peints, plantés à chaque naissance dans la forêt.
Miguel Gomez, réalisateur de Tabou et, plus récemment, des Mille et une nuits — 3 films, L’Inquiet, Le Désolé et L’Enchanté — était invité pour introduire la nouvelle génération de cinéastes portugais. Et deux films ont été particulièrement remarqué, tous deux s’attachant à la période charnière de l’adolescence. John From de Joao Nicolau, où la jeune Rita s’ennuie jusqu’à l’arrivée d’un voisin photographe, et Monthana de Joao Salaviza qui décrit l’évolution physique et psychologique de David, 14 ans. Monthana a remporté l’Antigone d’or.

John From de João Nicolau

Cette année, le cinéma algérien revient en force avec une nouvelle vague de cinéastes. Trois cinéastes et trois langages qui renouent avec la tradition cinématographique algérienne… Une nouvelle vague qui choisit, pour deux des films, d’aborder la mémoire de la décennie tragique avec la montée de l’islamisme depuis 1989, la « prédation » de la société algérienne par une idéologie qui envahit l’espace politique et social.

Maintenant, ils peuvent venir de Salem Brahimi, adapté du roman d’Arezki Mellal, recrée avec subtilité l’impact de la barbarie au quotidien, l’ambiance de méfiance générale et la peur instillée par la violence islamiste. Il y est question non seulement des conséquences de la barbarie, mais également de ses racines, la dette, le FMI et la crise économique.

Maintenant, ils peuvent venir de Salem Brahimi

Autre film sur les années 1990 et la mémoire, Mista de Kamel Iaiche met en scène un homme qui survit dans le cauchemar et les menaces. À la faveur d’une rencontre, sa passion du théâtre réapparaît : la mise en scène, les répétitions vont unir deux hommes autour d’un projet théâtral, comme une manière d’exorciser la peur et de prendre conscience de la vie.

Le troisième film se situe dans le registre de la comédie. Good Luck, Algeria de Farid Bentoumi raconte l’aventure de deux amis dont l’atelier de fabrication de skis risque la faillite face à la concurrence. Alors pour sauver leur entreprise, ils décident que l’un d’eux va concourir pour les Jeux olympiques d’hiver sous la bannière de son pays d’origine, l’Algérie. Good Luck Algeria a remporté le prix du public.

Good luck, Algeria de Farid Bentoumi

Dégradé des frères Tarzan et Arab Nasser, qui a reçu une mention spéciale du jury et le prix du jeune public, s’empare littéralement du drame de Gaza pour faire un portrait déjanté de la société gazaouie. Ironie corrosive et peinture sociale sont la marque du film tourné en huit clos dans un salon de coiffure tenu par une femme russe mariée à un Palestinien de Gaza. Dialogues sans faux-semblants ni ménagement des susceptibilités, balayage des clichés, les femmes au premier plan passent des confidences intimes à la critique des traditions et du discours politique. Tout le monde y passe. Le film rejoint par l’absurde et le rythme des saynètes un humour débridé à la manière de Burn after reading des frères Cohen. Belle surprise pour un scénario écrit en accéléré. La sortie du film est programmée en février et nous reparlerons avec les deux réalisateurs, Tarzan et Arab Nasser…

Dégradé de Tarzan et Arab Nasser

Plusieurs films présentés en panorama sont à signaler, Simshar de Rebecca Cremona, film maltais, retrace un drame de la mer sur fond de migration ; No One’s Child de Vuk Rsumovic se situe en 1988, dans les montagnes de Bosnie où vit un enfant sauvage élevé par des loups.

No One’s Child de Vuk Rsumovic

Enfin une comédie marocaine décrivant la production cinématographique sur le ton de la dérision, Dallas de Mohamed Ali El Mejboud. Le script se résume à suivre le processus de réalisation d’un péplum, série Z, par un réalisateur bidon poursuivi par un producteur à côté de la plaque, mais qui se mêle de tout. Un pastiche réussi de tournage à Ouarzazate qui joue sur les fantasmes d’un réalisateur dépassé et sur un casting truculent.

Dallas de Mohamed Ali El Mejboud

Côté documentaires, la sélection des huit documentaires reflète l’exigence de la programmation. En particulier, Toto et ses sœurs d’Alexander Nanau, Volta à terra de Joao Pedro Placido, auquel le jury a décerné le prix Ulysse. Il faut avouer que choix était difficile, tous les films documentaires en compétition étaient de grande qualité tant par le sujet que par la réalisation.

Volta à terra de João Pedro Plácido

Chœurs en exil de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro, le film est un voyage initiatique, une recherche de la mémoire par le chant ancestral arménien, un périple auquel se joint une troupe de théâtre pour interpréter le drame du génocide arménien.

Chœurs en Exil de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro

Autre film documentaire sur la mémoire, De Lola à Laila réalisé par Milena Boschet, qui retrace les souvenirs de l’après guerre civile en Espagne et la passation familiale de la mémoire ; Roshmia de Salim Abu Jabal est un film en forme de journal de bord d’une expulsion de leur maison d’un vieux couple palestinien pour construire une route pour de nouvelles colonies juives.

De Lola à Laila de Milena Bochet

Roshmia de Salim Abu Jabal

Deux autres films abordent des sujets ignorés, Tuk-Tuk de Romany Saad sur le phénomène de taxis rudimentaires qui sillonnent le Caire, ce sont des centaines de véhicules à trois roues conduits par des adolescents ; Aji-Bi, les femmes de l’Horloge de Raja Saddiki qui nous fait rencontrer les coiffeuses esthéticiennes qui travaillent sur une place de l’ancienne médina de Casablanca. Elles viennent du Sénégal et, fait nouveau depuis quelques années, ce sont les femmes qui émigrent pour faire vivre leur famille, mari et enfants restés au pays.

Aji-Bi, les femmes de l’Horloge de Raja Saddiki

Il ne faut pas oublier les courts métrages, aussi variés dans les thèmes que dans l’expression, tournages, montages, animations, toutes les libertés s’y expriment avec brio.

Murmures de Vénus de Ghizlane Assif

Waves ’98 de Ely Dagher

Ave Maria de Basil Khalil

La 37ème édition du CINEMED présentait 100 films inédits, des rétrospectives, des copies restaurées, des œuvres reflétant la réalité des pays méditerranéens, les contrastes, les dissemblances et l’humanité, de même que des tables rondes et des réflexions sur le rôle du cinéma d’auteur, sur la création, la production, la distribution… Neuf jours d’effervescence cinématographique avec un engagement de la programmation et de très belles rencontres, Carlos Saura, Miguel Gomes… Tony Gatlif, qui accompagnait une rétrospective de ses films, montrait en avant première son nouveau film Geronimo et animait une fête tzigane.

Latcho Drom de Tony Gatlif

Le 37ème festival international du cinéma méditerranéen a été à la hauteur de ses ambitions : un grand festival cinématographique engagé, curieux, critique, sans frontières et qui aime le cinéma !



Musiques :

 Serge Utgé-Royo, Amis dessous la cendre

 Léo Nissim, Avec le temps

 Serge Utgé-Royo, A las barricadas

 Serge Utgé-Royo, Una nube hispana

 Serge Utgé-Royo, Cuando la vida quema

 Serge Utgé-Royo, Paso del Ebro

 Serge Utgé-Royo, Tarjeta de visita

 Serge Utgé-Royo, Le printemps des poètes

 Serge Utgé-Royo, Te recuerdo Amanda

 Serge Utgé-Royo, La poesia es un arma carga del futuro