Chroniques rebelles
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Maria
Film de Jessica Palud (19 juin 2024)
Entretien avec Jessica Palud

Après des débuts modestes et quelques rôles secondaires, Maria Schneider rencontre Bernardo Bertolucci, qui lui fait lire le scénario du Dernier Tango à Paris, et lorsqu’elle lui demande les raisons de son choix — une inconnue face à l’immense acteur qu’est Marlon Brando —, Il lui répond : « vous êtes comme une page blanche et vous avez quelque chose de blessé qui me plaît beaucoup », il ajoute, « c’est l’histoire d’une relation physique intense ». Maria a 19 ans et est complètement inconsciente de ce qu’est le monde du cinéma, tout d’abord le tournage est sans surprise et en rapport avec le scénario, puis arrive la fameuse scène dont Maria n’est pas avertie. Une scène de sodomie simulée, qui va faire basculer cette jeune fille de 19 ans, qui devait faire signer sa mère pour l’autoriser à tourner, une mère très dure qui la jette dehors lorsqu’elle apprend qu’elle a revu son père biologique, Daniel Gélin.
Bertolucci voulait obtenir encore plus, donc révèle Maria, « que je sois humiliée, cela lui plaisait. Pour cette scène, j’ai eu l’impression d’être violée par deux hommes. Aucun des deux ne s’est excusé. » Pourtant, Bertolucci n’est pas un débutant au moment du Dernier tango, il a réalisé entre autres la Stratégie de l’araignée et le Conformiste. Il utilise donc Maria et la violence de la scène est tournée à son insu, sans qu’elle soit préparée. C’est littéralement un viol sous les yeux de l’équipe de tournage, silencieuse. «  En étant dans le regard et le ressenti de Maria, [souligne Jessica Palud] la mise en scène n’a pas été de montrer les stratagèmes utilisés par Bertolucci et Brando, ce n’est pas le sujet. J’ai voulu rester avec Maria, et seulement elle, que l’on ressente son expérience d’actrice dominée par les deux regards masculins. Il fallait qu’on ressente le basculement de la scène, du jeu vers la violence envers Maria et sans que personne ne dise rien. […] Aujourd’hui, en 2024, ça paraît impossible. Mais à l’époque, c’était comme ça. Que dire face au plus grand acteur du monde, face à un réalisateur honoré ? » Pour Bertolucci, dit Maria, « les acteurs, les actrices n’existent pas. Ce qui est important ce sont les personnages, c’est tout. »

À 19 ans, lorsqu’elle accède à la célébrité après avoir tourné Le Dernier tango à Paris de Bertolucci, Maria Schneider est seule, non préparée, à cette gloire ni au scandale qui entoure le film, interdit en Italie dont les protagonistes sont condamné.es à 3 mois de prison avec sursis. Maria est condamnée sans être responsable, elle est harcelée par la presse, des journalistes qui posent, en boucle, la même question sur la scène crue : « comment l’avez-vous abordée ?
— C’est plutôt la scène qui m’a abordé. On m’a prise par surprise. Je n’ai pas joué. Tout était vrai. Ils ne m’ont pas laissé le choix, Bertolucci et Brando. »
Ensuite, tous les scénarios qu’on lui propose comportent des scènes de nus, limite porno. Traquée par toujours les mêmes regards, elle tombe alors dans l’addiction à l’héroïne.
Dans le film de Delphine Seyrig, Sois belle et tais-toi (1977), Maria Schneider est l’une des 24 comédiennes, qui parlent de leur expérience au cinéma, et explique que ce milieu est dominé par les hommes, fait par des hommes et pour des hommes… Des paroles qui ne seront pas vraiment entendues… Trop en avance mais tout à fait actuelles. Lorsque Maria rencontre Nour, qui lui demande un entretien pour son mémoire, sur la place des femmes dans le cinéma, elle pose une question : « vous attendez quoi d’un réalisateur ?
— Qu’il soit clair et loyal. Actuellement les films sont faits par des hommes et pour des hommes. Les femmes sont cantonnées à des rôles de belles idiotes ou de folles perverses. » La jeune femme expose une parole lucide et très critique sur le monde patriarcal, au cinéma comme ailleurs.
La fin est absolument superbe et le film montre enfin le regard de Maria Schneider et sa dignité.
Rencontre avec Jessica Palud…

Sinjar, naissance des fantômes
Film de Alexe Liebert (19 juin 2024)

Le 3 août 2014, le groupe État Islamique envahit la région du mont Sinjar, en Irak. Cinq ans plus tard, plus de trois mille Yézidis sont toujours entre leurs mains ou porté.es disparu.s. Un demi-million de Yézidis vivant auparavant dans les villages de la région ont fui et, aujourd’hui, il ne reste que le souvenir de l’horreur, des hommes, des vieillards dans les charniers laissés par Daech ; les femmes et les enfants, convertis de force, vivent le cauchemar éveillé de leur servitude. Au village de Kocho, « ils nous ont fait descendre dans le charnier et nous ont tiré dessus », explique le seul rescapé d’une famille, ajoutant « à quoi sert de vivre ? » Son histoire de survivant dans un charnier de 500 personnes, il l’a racontée, des journalistes sont venus, puis repartis, sans qu’il y ait de suite… Zoom sur les ossements, le crâne… Comment apaiser la voix des fantômes, dépasser le traumatisme face à l’indifférence du monde ?
Le film d’Alexe Liebert est une suite de paroles libres et désespérées, ignorées des médias, une suite de témoignages et de souhaits, « pour conjurer la violence, la peur, je veux dire que là où tu seras, je suis. » Les femmes sont au cœur du film, humiliées, transformées en bétail sexuel sur les marchés d’esclaves, elles disent leurs souffrances, décrivent le réseau de vente d’esclaves sexuelles sur internet pour financer la guerre de Daech. « Je ne veux pas qu’on me rappelle ce calvaire », dit une femme, « Ne dîtes pas mon nom. Que la mort nous lave ! » dit une autre. Les suicides, la vente aux enchères des femmes et des jeunes filles sur des sites, des esclaves sexuelles, qui après avoir été coiffées et maquillées pour les photos sont « négociées » de 8000 à 17000 dollars, des gamines vierges estimées plus chères… « Où êtes-vous ? Venez me chercher ! » La voix des massacré.es ou celles des femmes et des enfants toujours en captivité, dispersé.es dans plusieurs pays. Des missions sont lancées à leur recherche, mais combien vont retrouver leur liberté ?

Sinjar. Naissance des fantômes est un film bouleversant sur la mémoire, sur ces personnes trop vite oubliées : « Je n’ai plus de nom. Je suis suspendu au nom de Sinjar » ; « Je suis dans un camp » ; Les fantômes, « nous vivons en leur nom ». La montagne du Sinjar est un lieu sacré et protecteur pour les Yézidis, Goldshifteh Farahani lui prête sa voix tout au long du film et ponctue une histoire complètement méconnue, celle des Yézidis.
« Les Yézidis sont des montagnards pastoraux de tradition orale et semi-nomade jusqu’aux années 1980, avant que le régime de Saddam Hussein les contraigne à la sédentarisation. Ils représentent une minorité religieuse unique au monde, qui résulte d’un syncrétisme original entre les religions du Livre des cultes antiques de Perse comme le zoroastrisme. Ils vénèrent Malek Taus, ou l’Ange Paon, ce qui fait que les Yézidis sont considérés comme des mécréants aux yeux de leurs voisins musulmans, qui assimilent cette figure au diable. Les Yézidis transmettent de génération en génération ce qu’ils appellent le ferman, c’est-à-dire le souvenir des massacres, des génocides. Ce terme turc désigne les décrets émis par l’Empire ottoman. Par extension, il qualifie tout processus visant à convertir, asservir ou anéantir la minorité yézidie. Les Yézidis se sont forgés une véritable identité, dont la survie dépend de la résilience collective face à la violence qu’ils ont subie. La région de Sinjar a été le théâtre du 74e Ferman dénombré par les Yézidis. »

Le temps passe dit la voix off, Qu’adviendra-t-il de cette population parquée dans des camps et dispersée ? Quels sont leurs droits au retour au Sinjar ?
Sinjar, naissance des fantômes de Alexe Liebert, est un film sur la mémoire, contre l’invisibilisation et la barbarie, à voir au cinéma à partir du 19 juin

Nouveau monde
Film de Vincent Cappello (19 juin 2024)

Rohid, un jeune réfugié Afghan à Paris, doit trouver du travail pour envoyer de l’argent à sa mère, menacée de mort par les talibans. Alors qu’il étudie avec persévérance la langue française et tente de s’intégrer, son petit frère reste anesthésié par leur périple. Rohid croise la route de Sandor, charismatique et débrouillard, avec qui il multiplie les petits boulots. Peu à peu, il reprend espoir de se faire une place dans ce nouveau monde.
L’histoire de Rohid se déroule sur des mois, comme pour beaucoup de personnes dans la même situation. Directement menacé par le retour des talibans, Rohid a dû quitter l’Afghanistan et a traversé l’Europe à pied. Après avoir retrouvé son frère, Mujib, qui joue également dans le film, ils ont été emprisonnés en Bulgarie pendant trois mois. Leur mère a réussi de les faire libérer en envoyant de l’argent et les deux garçons sont passés en Slovénie. En traversant une forêt, ils sont tombés sur cinq afghans qui les ont tabassés et les ont laissés pour morts, car ils n’appartenaient pas à la même ethnie. La police slovène les a emmenés à l’hôpital où ils sont restés pendant 7 mois. Le rêve de Rohid : faire du cinéma, il a joué en étant enfant. À l’hôpital, le meilleur ami de l’un des médecins est réalisateur, celui-ci le fait tourner dans un film sur la condition des réfugiés. Rohid et Mujib ont ensuite quitté la Slovénie pour l’Italie, puis pour la France. Cette rencontre avec Rohid a déclenché l’envie de Vincent Cappello de faire ce film.
Les deux frères sont différents, Rohid l’aîné, est déterminé et dynamique, même si au début du film, son monologue reflète un certain découragement. Le plus jeune a des difficultés pour s’adapter à ce nouveau monde, aux règles, à l’attente. « Quand on pense que les deux frères étaient tabassés toutes les nuits pendant plusieurs mois dans leur prison bulgare, chacun d’eux ne se relève pas de la même manière », remarque le réalisateur. Le personnage du jeune frère raconte aussi une réalité : certains jeunes vivent l’enfer à l’intérieur d’eux-mêmes. Mais tous deux sont extrêmement cinématographiques.
Nouveau Monde est à la fois intime, l’expérience d’un jeune homme lâché dans un monde pour lequel il n’était pas préparé, et un film totalement universel.
Nouveau monde de Vincent Cappello au cinéma le19 juin.

The Summer with Carmen
Film de Zacharias Mavroeidis (19 juin 2024)

Demosthènes, est un jeune homme à la sexualité aventureuse. Séparé de son compagnon, l’attirance entre les deux est pourtant toujours aussi vive, avec un brin de jalousie aussi. Entre une mère centrée sur elle-même et un père homophobe, Demosthènes est mal barré côté famille, pourtant il y est très attaché, sans doute à cause de son besoin d’amour. Le film, avec ses chapitres, découpages, et déroulé de saynètes amoureuses et autres, décrit un processus d’écriture, celui d’un film en construction. Ben oui. Nikitas écrit un script avec son ami Demosthènes, qui évolue tout le temps au rythme des idées et des critiques de l’un ou de l’autre. Avec un constante cependant, la mer, le soleil, les rochers et les ami.es…
Écrire un scénario inspiré de leur vie tumultueuse... Mais pas un film gay, sinon, cela n’aura plus l’originalité d’une création à part. Donc acte 1, la mise en place ; acte 2, la confrontation…
Quant à Carmen, pivot de l’histoire, c’est une petite chienne craquante, trouvée dans un jardin et importante dans l’échange de Démosthènes avec son ex. Ils sont officiellement séparés, mais à la manière d’une histoire non finie. Carmen est, selon le réalisateur, « un moyen d’échange : celui qui a le plus besoin d’amour est celui qui a Carmen. Le film est comme une compilation d’histoires d’amour : il y a celle avec l’ex, bien sûr, mais aussi celle avec le meilleur ami, celle avec la mère et celle avec la chienne. C’est pourquoi le titre du film pourrait être L’été où chacun a cherché plus d’amour... » Y compris pour Carmen, traumatisée par l’abandon, Demosthènee le ressent tout à fait, Il lui parle, lui promet de ne pas l’abandonner, mais Carmen hurle à la mort dès qu’elle est seule dans l’appartement…
Le décor principal, une plage gay naturiste, Limanakia, filmée en décor grandiose et lieu central pour la communauté queer, rarement montré au cinéma, et la plage apparaît comme un lieu de rencontres sans danger ni discrimination : « On y flirte, on médite, on retrouve de vieux amis, on fait l’amour ou bien... on écrit un scénario ! » Ce lieu important revêt-il symboliquement un changement vers moins d’homophobie ? Rien n’est moins sûr, Nikitas évoque ses difficultés à décrocher des rôles dans l’industrie cinématographique au prétexte qu’il paraît gay, de même il est aussi question de discrimination au cours des rencontres, des confidences, comme des débats qui traversent la société, donnant ainsi au film une dimension philosophique soulevée au hasard des discussions.
Les espaces jouent un rôle également et accompagnent les personnages, Zacharias Mavroeidis dit utiliser « l’espace de manière narrative. Ici, j’ai fait un lien entre le centre-ville et le décor naturel de Limanakia : à Athènes, toutes les scènes extérieures sont filmées dans des escaliers de la ville. Les personnages montent et descendent constamment des marches dans le passé, alors que ce sont des rochers qu’ils grimpent et descendent dans le présent. » Finalement sous des dehors de comédie en mode estival, The Summer with Carmen révèle une perception sociale plus profonde qu’elle n’en a l’air, sur le plan des luttes LGBTQI+ par exemple, mais également sur le bouleversement des schémas familiaux et amoureux, sur le patriarcat, et laisse entrevoir une façon différente de faire du cinéma.
« Hollywood… Et si on faisait un film dans le film ? » alors qu’un micro apparaît dans le cadre… Fin d’une histoire en devenir.
The Summer with Carmen de Zacharias Mavroeidis au cinéma le 19 juin.

Rétrospective de 3 films noirs argentins en copies restaurées :

Un Meurtre pour rien de Fernando Ayala (1956)
Alfredo Gasper, relégué dans son métier de journaliste où il s’ennuie, fait la rencontre d’un homme d’origine hongroise, Liudas, qui lui propose de monter une école de journalisme par correspondance. Affaire fructueuse en profitant de la naïveté des gens. Endetté, faisant fi de ses scrupules, Alfredo y voit une façon d’aider son associé à faire venir son fils et sa famille en Argentine.
Premiers plans sur la ville la nuit en plongée, deux hommes descendent précipitamment d’une voiture et s’enfoncent dans une gare en sous-sol pour prendre un aller simple, l’un muni d’une valise, l’autre d’un paquet, l’un deux parlant un espagnol rustique au fort accent avec son ami dont la voix intérieure va conduire le récit et le retour en arrière. Le ton est donné par un superbe noir et blanc, les rebondissements, la mise en scène rythmée et, en bonus, la musique d’Astor Piazzolla.

Que la bête meure de Roman Viñoli Barreto (1952)

Après l’arrivée de la voiture dans la priorité de Cabo de Oro, la scène d’ouverture présente les personnages au cours d’un repas où les caractères se dévoilent, Jorge Rattery, homme riche et odieux, détesté de tous à l’exception de sa mère, son épouse Violetta et l’enfant de celle-ci, enfin Linda, sa sœur, une actrice. La scène s’interrompt brutalement avec la mort soudaine de Rattery. Le film bascule alors dans un polar où la violence des rapports sont encore exacerbés par la présence d’un écrivain détective, Felix Lane, et la suspicion des uns et des autres.
Retour en arrière, lors de son anniversaire qu’il fête avec son fils adolescent, Felix Lane, célèbre auteur de romans policiers, apprend la mort de son fils, Martie, sorti pour lui acheter des cigarettes et renversé par une voiture qui a pris la fuite. Après une longue dépression, Félix Lane retrouve sa maison, la chambre de son fils décédé et le cadeau que celui-ci lui destinait : un carnet qui est le lien de toute l’histoire. Déterminé à retrouver l’auteur de ce crime et à venger la mort de l’enfant, Lane décrit sa recherche, son enquête et tout est consignée dans le carnet qui tient le rôle de coryphée d’une tragédie inéluctable dans laquelle la confrontation des deux hommes est absolument centrale : la lutte du bien et du mal et même du pouvoir de l’argent, de son arrogance, et de la création, de l’écriture.

Le Vampire noir de Roman Viñoli Barreto (1953)
Rétrospective à partir du 19 juin

Roman Viñoli Barreto construit ce second film à la manière de Que la bête meure, puisque le film commence par la fin, avec l’image fortement symbolique et expressive d’un homme montant la
nuit les marches d’un imposant édifice, puis arrêté, levant les mains en l’air. Scène suivie par le procès, avec la plaidoirie de l’avocat de la défense, qui réclame un internement psychiatrique et l’avocat général, la peine de mort. On a dit que le Vampire noir était inspiré par M le maudit de Fritz Lang, mais la scène du tribunal ne doit rien à celle du « tribunal de la pègre qui clôturait M le maudit, même si la traque du tueur de petites filles dans les égouts de la ville par les clochards et l’échange verbal qui s’ensuit en champ-contrechamp y fait penser ». Autres détails que l’on retrouve dans le film de Roman Viñoli Barreto, l’aveugle vendeur de jouets et de bonbons et l’air de musique sifflé par le tueur. Mais, « autant le film de Fritz Lang, avec en son cœur la ville, son architecture labyrinthique, horizontale et verticale, se réduit à un affrontement entre M et l’inspecteur Lohmann, autant Le Vampire noir offre une construction en triangle, avec le personnage de Rita, au cœur de l’enquête, en tant que témoin, pour avoir vu le criminel, puis au cœur du drame, en première ligne, avec sa fille.  » Que la bête meure et le Vampire noir de Roman Viñoli Barreto sont des films noirs remarquables par la tension intense instillée dans la construction même des récits.
À voir en salles dès le 19 juin.

Racismes d’Etat. Etats racistes
Une brève histoire

Olivier Le Cour Grandmaison (éditions Amsterdam)
Entretien avec Olivier Le Cour Grandmaison

Il présentera son livre à Publico samedi prochain

En introduction de l’ouvrage est rappelée la plainte de Jean-Michel Blanquer contre le syndicat Sud ayant osé mettre en lumière et en débat le « racisme d’État » au cours d’un stage syndical. Il n’y a là hélas rien d’anecdotique. Et même si la plainte a été jugée irrecevable par le Tribunal de Bobigny, le 7 février 2018, cela n’a pas freiné pour autant l’indignation qui a suivi à l’encontre du syndicat Sud et d’une « gauche dévoyée », indignation relayée par de nombreuses personnalités politiques, médiatiques et académiques. Un débat considéré comme une atteinte à la « mythologie nationale » ?! Ces réactions illustrent bien, comme le souligne Olivier Le Cour Grandmaison, « l’involution de la situation politique et la dégradation significative des conditions indispensables au bon déroulement des débats ».
De quoi me remettre en mémoire l’ouvrage de Francis Dupuis-Déri sur les « wokes et autres menaces imaginaires » d’où ses remarques ironiques : « Les polémistes les plus célèbres et même les plus hautes autorités politiques répètent que les campus sont envahis, dominés et détruits par d’effroyables wokes […]. Ceux-ci ont remplacé les épouvantables “islamo-gauchistes” ayant pris la place des terrifiants social justice warriors, qui s’étaient substitués aux monstrueux adeptes [du politiquement correct]. Qui sait si on ne ressortira pas bientôt […] les abominables “judéo-bolchéviques” ? »
On ne peut toutefois que s’inquiéter des « procès intentés non plus seulement par les extrêmes droites, mais aussi par les responsables politiques soi-disant modérés et des intellectuels pour disqualifier les études consacrées aux discriminations systémiques. » Il faut être dans les clous du point de vue unique diffusé notamment dans la plupart des médias de masse et se garder d’analyses critiques et autres débats que ceux de plus en plus imposés. Cela représente une menace non déguisée de la pensée unique et des restrictions mises en place sur la liberté de parole. Avis donc à celles et ceux qui auraient une perspective différente et une autre analyse des situations en France et dans le monde.
« Apporter des réponses précises » à une offensive généralisée, c’est ce que propose l’ouvrage d’Olivier Le Cour Grandmaison, Racismes d’Etat. Etats racistes.
« Une brève histoire » certes, mais essentielle…
Rappel Samedi 22 juin à 16h30, Olivier Le Cour Grandmaison présentera son livre à la librairie Publico, 145 rue Amelot 75011