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Samedi 18 mars 2023
Le Bleu du caftan de Maryam Touzani. Chili 1976 de Manuela Martelli. Le Cinélatino présente 35 films dans trois compétitions. 45e Festival international de films de femmes du 24 mars au 2 avril 2023. Rencontre avec Frasiak (première partie) à la veille d’un concert…
Article mis en ligne le 19 mars 2023
dernière modification le 23 mai 2023

par CP

Le Bleu du caftan
Film de Maryam Touzani (22 mars 2023)

Chili 1976
Film de Manuela Martelli (22 mars 2023)

Entretien avec Manuela Martelli

Le Cinélatino présente 35 films dans trois compétitions, long-métrages de fiction
Anhell69 de Theo Montoya (Colombie)
Bajo un sol poderoso (Sous un soleil puissant) de Kiki Álvarez (Cuba)
Brujería (Sorcellerie) de Christopher Murray (Chili)
Carvão (Charbon) de Carolina Markowicz (Brésil)
Diógenes de Leonardo Barbuy La Torre (Pérou)
Dos estaciones (Deux stations) de Juan Pablo González
La Barbarie d’Andrew Sala (Argentine)
Las Hijas. Les Filles de Kattia G. Zúñiga (Panama)
Tótem de Lila Avilés (Mexique)
Trenque Lauquen de Laura Citarella (Argentine)
Zapatos rojos (Chaussures rouges) de Carlos Eichelmann Kaiser (Mexique)

45e Festival international de films de femmes
Du 24 mars au 2 avril 2023


Rencontre avec Frasiak
Début d’un portrait d’Éric Frasiak à la veille d’un concert…

Le Bleu du caftan
Film de Maryam Touzani (22 mars 2023)

Entretien avec Maryam Touzani

Mina et Halim vivent dans la médina de Salé, petite ville marocaine sur l’embouchure du fleuve Bouregreg, à deux pas de l’océan, et tiennent un magasin de caftans traditionnels. Halim crée des modèles exceptionnels, c’est un maalem, le maître d’un art qui se perd faute de personnes pour reprendre le flambeau de la création. Le couple de Mina et Halim est fait de tendresse et de connivences, mais dissimule un secret, l’homosexualité de Halim. Au Maroc, l’homosexualité est non seulement un tabou mais est considérée comme un crime, et la peine encourue peut aller de 6 mois à 3 ans de prison.

Malgré son cancer, Mina semble inébranlable, elle prend les commandes, les décisions et protège son compagnon. C’est alors qu’un apprenti, Youssef, se présente pour travailler auprès de Halim, il est à la fois motivé et fasciné par l’art du maalem. D’abord méfiante, Mina va peu à peu comprendre l’importance de Youssef pour Halim.

Le Bleu du caftan est un film de la transgression, un film qui ébranle les non-dits et secoue les normes : l’homosexualité interdite et cachée, le désir, le cancer avec la scène d’amour bouleversante entre Halim et Mina, la foi hors des règles de Mina et le profond respect de la différence.
Le jeu des comédiens porte le film, Mina (Lubna Azabal), est remarquable dans son rôle de femme déterminée et aimante, Halim (Saleh Bakri), confirme qu’il est l’un des plus grands comédiens de sa génération et Youssef (Ayoub Missioui), est étonnant de maturité.

Dans le Bleu du caftan, il est question d’interdits, de transmission, d’amour qui transcende les tabous, de transgression, de liberté… La réalisation de Maryam Touzani, toute en pudeur et en sensualité, évoque, par les gros plans, le lien tissé entre création et intimité qui lient les personnages. Maryam Touzani exprime dans le suivi de la réalisation de la pièce maîtresse, le caftan bleu, la construction même de son film, similaire au travail de Halim, du maalem.
La scène de fin est absolument grandiose, un plan magnifique de descente vers le cimetière, à l’embouchure du fleuve se jetant dans l’océan et face aux Oudaïas de Rabat, la Casbah. Il ne s’agit pas là d’une image façon carte postale, mais plutôt d’un symbole de l’art et de l’histoire du Maroc.
Le Bleu du caftan est un film où l’amour, la liberté, la transmission se mêlent à la transgression, à la sensualité à vif en même qu’à une pudeur extrême.
Le Bleu du caftan de Maryam Touzani est en salles de cinéma le 22 mars 2023.

Chili 1976
Film de Manuela Martelli (22 mars 2023)

Entretien avec Manuela Martelli

Chili 1976. Trois ans après le coup d’État de Pinochet et l’installation de la junte militaire au pouvoir, la répression amplifie encore sa violence. C’est dans ce contexte que Manuela Martelli situe le récit de son personnage principal, une femme issue d’un milieu bourgeois, Carmen, vivant en quelque sorte dans un cocon de femme privilégiée et préoccupée seulement du bien être de sa famille. En l’occurrence, préparer un anniversaire dans la maison familiale au bord de la mer. Or, un premier signe perturbateur rompt sa vie tranquille, elle retrouve une chaussure abandonnée sous sa voiture, après l’arrestation brutale d’une femme dans la rue. Elle est un moment intriguée, déroutée, mais cet épisode semble vite effacé par le départ à la maison du bord de la mer, les travaux de rénovation, l’organisation de l’anniversaire et l’arrivée de ses enfants et petits-enfants pour les vacances d’hiver. C’est alors que le Père Sanchez, prêtre très proche d’elle, la sollicite pour s’occuper d’un jeune homme qu’il héberge en secret. Cette expérience place Carmen dans une réalité inconnue d’elle, loin de la vie bourgeoise et tranquille à laquelle elle est habituée.

Peu à peu la réalité de la dictature s’immisce dans sa vie, par des faits et des événements extérieurs : l’arrestation de la femme, le cadavre retrouvé sur la plage, les discussions avec le jeune homme blessé, Élias, les contrôles policiers, la confession du prêtre… Rien cependant n’est expliqué frontalement, plutôt suggéré, comme si Carmen redoutait l’évidence et préférait encore détourner les yeux de la répression à laquelle elle est soudain confrontée.

Le film de Manuela Martelli décrit, dans un moment bref, le parcours d’une femme protégée par sa classe, sa brusque prise de conscience, qui est double en fait : d’une part, celle de la dictature et la répression de l’opposition dans le pays, et par ailleurs, elle ne s’épanouit pas dans sa vie de dépendance et de femme au foyer. Confrontée à la réalité politique et au basculement moral que cela génère, Carmen dissimule les faits à ses proches et ressent la peur du danger en même temps qu’une forme de culpabilité. L’ambiance devient alors oppressante au fur et à mesure de l’évolution de Carmen.

Chili 1976, dont le sous-titre pourrait être À travers le regard de Carmen, est un film puissant sur la transmission de la mémoire de la dictature en sautant une génération. En suivant sur le cheminement de cette femme, inspirée par sa grand-mère, Manuela Martelli explique qu’à l’origine de sa réalisation « d’autres questionnements ont surgi pour tenter de comprendre ce moment si particulier de l’histoire du Chili : « Comment » imaginer que ce qui se passait dans la rue n’affecterait pas l’espace domestique ? Comment pouvions-nous faire comme si de rien n’était et vivre notre quotidien, tandis qu’à l’extérieur les dissidents étaient jetés dans l’océan ? »

Chili 1976. Rencontre avec Manuela Martelli dont le film est à voir dès mercredi prochain

Chili 1976 de Manuela Martelli est dans les salles de cinéma le 22 mars. Merci à Pablo de Alba pour sa traduction. Les musiques de l’entretien : Te recuerdo Amanda, chanson de Victor Jara interprétée par Serge Utgé-Royo. Solo digo compañeros, de l’album Chile : Songs for the Resistance. 1977 d’Ana Tijoux. En primera line de Border Line.
Rappelons que le Cinélatino fait cette année un focus sur quatre RéalisActrices dont Manuela Martelli (Chili), Ángeles Cruz (Mexique), Ana Katz (Argentine), et Grace Passô (Brésil). Deux autres focus sont à noter dans ces 35èmes rencontres de Toulouse : Brésil, cinéma et politique, et le Cinéma colombien contemporain.

Le Cinélatino présente 35 films dans trois compétitions : long-métrages de fiction, long-métrage documentaire et court-métrage. Les séances sont suivies de rencontres avec des réalisatreurs·trices, des producteurs·trices, des acteurs·trices. Et cette année encore, le Cinélatino offre de belles découvertes.

Anhell69 de Theo Montoya (Colombie)
Un corbillard parcourt les rues de Medellín. Le réalisateur raconte son histoire passée dans cette ville violente, transgressive et conservatrice. Il évoque son premier projet sur une secte de fantômes. La jeune scène queer est au casting en 2016, mais le protagoniste meurt d’une overdose d’héroïne à 21 ans.

Bajo un sol poderoso (Sous un soleil puissant) de Kiki Álvarez (Cuba)

Une réflexion existentielle qui, à partir de l’expérience personnelle de l’auteur et ses propres archives filmiques, parcourt les trente dernières années d’un pays blessé.

Brujería (Sorcellerie) de Christopher Murray (Chili)

Le film se déroule dans l’univers singulier de Chiloé, à la fin du XIXe siècle, pour un retour aux origines indigènes et à la culture insulaire des Huilliches. La répression d’État est redoublée par la violence de la répression coloniale incarnée par un Allemand qui dirige une ferme.

Carvão (Charbon) de Carolina Markowicz (Brésil)

Dans une campagne perdue au loin de São Paulo, une famille, qui vit difficilement du commerce du charbon de bois, cache chez elle, dans des conditions scabreuses, un mystérieux Argentin pas très recommandable.

Diógenes de Leonardo Barbuy La Torre (Pérou)

Dans les Andes péruviennes, deux jeunes enfants sont élevés dans l’isolement par leur père, un peintre héritier d’une tradition ancestrale. Il troque son art au village en échange de produits de première nécessité, tandis que ses enfants l’attendent, surveillés par leurs chiens.

Dos estaciones (Deux stations) de Juan Pablo González

María, femme solitaire et productrice de tequila, est aux prises avec des difficultés économiques suite à l’implantation de grandes compagnies étrangères en concurrence déloyale avec les entreprises locales.

La Barbarie d’Andrew Sala (Argentine)

À la suite de maltraitances, Nacho, 18 ans, se réfugie chez son père qu’il connaît à peine et qui est un gros éleveur de bovins dans une campagne reculée de la pampa argentine.

Las Hijas. Les Filles de Kattia G. Zúñiga (Panama)

Vacances d’été. Deux sœurs Marina (17 ans) et Luna (14 ans) partent au Panama à la rencontre d’un père qui brille par son absence. Au cours de ce voyage coloré et pop, elles vont découvrir l’amour et le skateboard, explorer leur désirs, s’affirmer et grandir.

Tótem de Lila Avilés (Mexique)

Sol, une gamine de 7 ans, se trouve au milieu d’un monde d’adultes, dans la maison du grand-père, microcosme d’une famille réunie pour préparer la fête anniversaire de Tonatiuh, ce père, mari, fils, frère. Le film est centré sur la relation de la fillette à son père gravement malade et mourant.

Trenque Lauquen de Laura Citarella (Argentine)
Comme dans La Flor, film fleuve de Mariano Llinás (2019), on retrouve dans Trenque Lauquen l’ambiance d’une enquête énigmatique, mêlée de romances, de mystères, drames du passé, science-fiction... et pas mal d’humour décalé.

Zapatos rojos (Chaussures rouges) de Carlos Eichelmann Kaiser (Mexique)

Tacho, paysan taciturne et peu loquace, doit voyager à la capitale pour reconnaître le corps de sa fille, assassinée, comme tant d’autres femmes victimes de féminicides.

45e FESTIVAL INTERNATIONAL DE FILMS DE FEMMES
Du 24 mars au 2 avril 2023


Depuis la naissance du cinéma en 1895, les femmes ont toujours été partie prenante et à tous les postes dans la création cinématographique. Actrices, réalisatrices, scénaristes, scriptes, monteuses, cheffes opératrices, productrices, et autres métiers... Le cinéma des femmes s’est montré inventif, combatif et féministe dans les années 1970, et peu à peu les créations cinématographiques des femmes s’imposent dans leur diversité avec de nouvelles générations de réalisatrices et cinéastes.
Depuis sa création, en 1979, le Festival International de Films de Femmes de Créteil participe en faisant découvrir les créations des femmes, en luttant contre les stéréotypes, l’effacement de l’histoire des femmes, et bien entendu pour l’égalité et la reconnaissance de leurs droits, se faisant l’écho de leurs combats, leur créativité, leurs solidarités et leurs engagements.
45 ans et cette édition anniversaire, intitulée La Fabrique de l’Émancipation, donne la parole aux femmes réalisatrices du monde entier, dont trois femmes engagées et talentueuses : Agnès Jaoui, Rebecca Zlotowski et Coline Serreau. Mais également à Julie Bertuccelli qui présente en soirée d’ouverture son film sur Jane Campion, la Femme Cinéma. Seront également évoquées les pionnières et notamment Musidora, puisqu’un livre a été consacré à cette grande figure féminine de l’histoire du cinéma... Le festival se déroule du 24 mars au 2 avril 2023 avec de belles et intéressantes rencontres.

Frasiak en concert
Vendredi 24 mars à 20h30 au Forum Léo Ferré à Ivry sur Seine
WWW.FORUMLEOFERRE.ORG

À cette occasion, nous diffusons la première partie d’un portrait de Frasiak… C’est une rencontre en toute amitié, avec Monique à la prise de son, on peut dire ainsi que c’est une copro Chroniques rebelles / Trous noirs… Pour l’anecdote, c’est Cristine Hudin qui m’a fait connaître Frasiak au XXème théâtre avec cette chanson qu’il a chanté lors de ce concert partagé : Tétais pas né

Rencontre avec Frasiak
Début d’un portrait d’Éric Frasiak à la veille d’un concert… La suite prochainement.