Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 15 Avril 2023
La Dernière reine de Adila Bendimerad et Damien Ounouri. La conférence de Matti Geschonneck. Blue Jean de Georgia Oakley. Avant l’effondrement d’Alice Zeniter et Benoît Volnais. Désordres de Cyril Schaüblin. Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû de Guillaume Maidatchevsky. À vol d’oiseaux : Drôles d’oiseaux de Charlie Belin & Mariannick Bellot. L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre. Le Tout petit voyage d’Émily Worms. Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles. Suzume de Makoto Shinkai.
Article mis en ligne le 23 avril 2023

par CP

La Dernière reine
Film de Adila Bendimerad et Damien Ounouri (19 avril 2023)

Entretien avec Adila Bendimerad et Damien Ounouri

La conférence
Film de Matti Geschonneck (19 avril 2023)

Blue Jean
Film de Georgia Oakley (19 avril 2023)

Avant l’effondrement
Film d’Alice Zeniter et Benoît Volnais(19 avril 2023)

Désordres
Film de Cyril Schaüblin (12 avril 2023)

Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû
Film de Guillaume Maidatchevsky (5 avril 2023)
Un livre aussi de Jessica Serra (Belin)

Le cinéma d’animation.
Suzume de Makoto Shinkai (12 avril) ;
Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles : La Moufle de Roman Kachanov , Il était une fois un chien de Edouard Nazarov et Le Lionceau et la tortue de Inessa Kovalevskaya (5 avril)
Drôles d’oiseaux de Charlie Belin & Mariannick Bellot
L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre
Le Tout petit voyage d’Émily Worms.

La Dernière reine
Film de Adila Bendimerad et Damien Ounouri (19 avril 2023)

Entretien avec Adila Bendimerad et Damien Ounouri

Algérie, 1516. Le pirate Aroudj Barberousse libère Alger de la tyrannie des Espagnols, mais prend le pouvoir sur le royaume. Malgré leur alliance, il aurait assassiné le roi Salim Toumi, dont la seconde femme, Zaphira, va lui tenir tête. Entre mythe et histoire, Zaphira représente le combat d’une femme seule contre tous pour le royaume d’Alger.

Dans le récit de la Dernière reine, Adila Bendimerad et Damien Ounouri se lancent à la conquête de l’histoire algérienne, en même temps qu’à l’imaginaire d’une identité oubliée, bien longtemps avant l’histoire coloniale. Le récit se situe au XVIe siècle, avant l’occupation ottomane, et met scène la reine Zaphira et sa résistance, notamment au pirate Barberousse. Son statut contesté — entre légende et réalité — offre l’opportunité d’aborder une histoire méconnue à travers celle d’une héroïne tragique dont certains nient l’existence réelle.
Or, Zaphira symbolise la question de l’effacement des femmes dans l’Histoire et la force d’évocation de la légende à une époque cruciale et jamais représentée de l’Histoire algérienne. Légende ou réalité, cette femme continue de marquer l’imaginaire algérien et cela a suscité « un désir de cinéma [souligne Adila Bendimerad]. Une nécessité politique et poétique, pour l’Algérie mais aussi pour le monde. » Les œuvres cinématographiques tournent majoritairement autour de figures héroïques masculines et les femmes reconnues sont généralement celles qui ont pris les armes. « Zaphira au milieu de tout cela était dissonante, sensuelle et surtout pas consensuelle. » Et Damien Ounouri d’ajouter : « Je ne me retrouve pas dans cette glorification majoritairement masculine. J’avais envie de faire des fictions autour du féminin. On ne peut pas mieux parler d’une société ou d’un monde qu’en parlant et en partant des femmes. [De plus], on ne peut pas continuer à avancer avec les trous noirs du passé sans savoir où s’adosser. »

Raconter l’histoire de l’Algérie à travers un récit cinématographique avant la colonisation, c’est rare, et d’ailleurs en trouver des empreintes n’est guère aisé : « en enclenchant cette démarche [explique Damien Ounouri], nous nous sommes vite retrouvés dans le désert car il n’existe pratiquement aucune trace de ce passé ». Alors pourquoi ne pas « partir d’une femme enfermée dans un harem et dans les codes du patriarcat, et qui va exploser les lignes, presque en improvisant, accidentellement et par instinct, [c’est inscrire ainsi] l’histoire de quelque chose entre la volonté, les possibilités et la fatalité. »

Le projet de film d’époque se heurtait toutefois à un autre handicap de taille concernant les décors naturels : « Tous les palais ont été rasés pendant la colonisation, plus des trois quarts des médinas et Casbahs ont été détruites en Algérie. » Il a donc fallu restaurer, réaménager ce qui demeurait et tourner dans différentes villes pour trouver les décors du film. Ce qu’il importait de montrer, c’était le rôle des femmes, malgré les injonctions du patriarcat. « Au cinéma [conclue Damien Ounouri], j’aime que ce corps féminin étonne, bouscule les regards de notre public habitué à voir dans la vie des “corps féminins hautement contrôlés”. »
La Dernière reine de Adila Bendimerad et Damien Ounouri est une première œuvre qui marque certainement la réappropriation de l’histoire algérienne par le cinéma algérien : une histoire tout à la fois culturelle et épique.
Cet entretien s’est déroulé dans le cadre du 44ème festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, le CINEMED, en octobre 2022.
La Dernière reine de Adila Bendimerad et Damien Ounouri est à voir en salles le 19 avril 2023.

Musiques : Bande annonce de la Dernière reine, Big Fish de Karim Baggili et le trio Joubran, Raoui de Souad Massi.

La conférence
Film de Matti Geschonneck (19 avril 2023)

20 janvier 1942. Reinhard Heydrich convie une quinzaine de dignitaires nazis pour une conférence, à Wannsse, dont le sujet est la mise en place et la programmation de la « solution finale ». Basé sur le compte rendu original de la réunion, le film est un document exceptionnel par sa réalisation épurée, qui rend admirablement compte du projet administratif, des jeux de pouvoir se déroulant autour de la table, des méthodes avancées et évaluées… Le film est brutal et d’une précision effarante par le langage utilisé pour parler de la « solution finale », c’est-à-dire l’extermination « industrielle » des populations juives d’Europe et, dans la foulée, des Tsiganes et des « asociaux ». Cette conférence a planifié des crimes de masse dans le cadre d’une logique économique et efficace : une barbarie ordinaire présentée comme plus « humaine » que la balle dans la nuque, pour éviter d’abord tout choc émotionnel aux soldats, toute forme de contestation ou même de résistance de la part des populations allemande et des pays sous occupation.

Concernant l’utilisation du gaz, tout est calculé : le temps, les précautions prises vis-à-vis du personnel responsable des chambres à gaz, le transport des corps jusqu’aux fours crématoires effectué par les déportés du camp, pour anticiper toute forme de pitié et surtout contrôler l’information et les fuites éventuelles sur le génocide. Les arguments exposés, les réticences soulevées durant la réunion concernent essentiellement le domaine de l’économie, la rentabilité des travaux forcés, l’élimination des personnes inutiles et le profit à tirer de la confiscation des biens des familles. Chaque détail est planifié, discuté, jusqu’à la responsabilité de chacun à tous les niveaux de l’administration nazie.
Des handicapé.es, des déficients mentaux et des prisonniers russes ont déjà été éliminés de cette manière, alors au nom de l’efficacité prônée par les responsables nazis, « il n’y a qu’à remplacer les Russes par les Juifs ». Le film montre de manière implacable les décisions, les discussions, les oppositions, chacun défendant son pré carré, les freins étant le plus souvent dus aux intérêts financiers, industriels et de pouvoir. La guerre justifie tout et fournit l’opportunité des crimes de masse. D’ailleurs, la propagande est très efficace.
WWWW
Durant la conférence de Wannsee sont abordées plusieurs questions, celle des anciens combattants de la Première Guerre mondiale placés dans un soi-disant « ghetto modèle », également la question plus épineuse des unions mixtes et des « sang-mêlés »… Parce que, finalement, qui est juif ? S’engage alors une discussion incroyable sur la race, les ascendants dans une famille et les enfants. Et s’il y a des dérogations ? L’un des participants émet l’idée de la stérilisation forcée, déjà appliquée sur les personnes considérées comme déviantes… Stérilisation ou évacuation, c’est-à-dire déportation. « L’Europe est à notre botte  » dit l’un des représentants, les pays collaborent et offrent leurs services : les Slovaques, les Bulgares, les Autrichiens, etc., même les Hongrois, bien que les autorités soient réticentes à abandonner aux Allemands les biens confisqués. Il s’agit de composer avec ces derniers, mais avant tout, il faut briser toute résistance, en particulier celle des « Tchèques aux ordres des Juifs ». Et, pour mettre en place cette collaboration de mort, il faut créer dans tous les pays occupés des postes des questions juives pour des responsables locaux.
Puisque l’Allemagne nazie traverse un moment délicat depuis l’entrée en guerre des États-Unis en 1941, le génocide des Juifs d’Europe relève de l’effort de guerre. Le plan proposé est donc le massacre systématique et accéléré de 11 millions de personnes juives répertoriées en Europe, représentant un profit considérable par la récupération de leurs biens. La discussion porte alors sur la cadence avec laquelle les personnes seront éliminées, prenant en compte le temps des exécutions et surtout la dispersion des preuves. Sont également prévus les lieux, Auschwitz, Sobibor, Belzec… et pour y accéder, le transport des déporté.es à l’intérieur de wagons à bestiaux. Les camps d’extermination ne doivent ni se trouver en Allemagne ni trop proches de villes pour sauvegarder les apparences, donc en Europe de l’Est. C’est « hygiénique et une chance pour nos descendants » que d’éliminer les « parasites », ajoute l’un des participants. Mais remarque l’un d’eux, «  pendant la Première Guerre mondiale, on tirait sur des soldats, pas sur des femmes et des enfants. » Sans doute lui réplique-t-on, mais cette population ne sera pas exécutée et il n’y aura pas de bain de sang, ce sera efficace, rapide et de grande ampleur.
La conférence de Wannsee marque un moment historique de la barbarie où les nazis sont passés de la déportation à l’extermination méthodique de millions de personnes. En une matinée, tout est réglé et planifié et, comme le remarque Heydrich : « Ces messieurs doivent savoir à quoi ils ont participé. On ne dira pas qu’ils ne savaient pas. » La Conférence est cinématographiquement un grand film, une réalisation importante pour la mémoire. Et l’on ne peut que saluer le jeu incroyable des comédiens débitant des horreurs avec calme et parfois avec le sourire.
Le documentaire, qui accompagne la sortie du film, montre l’invitation officielle à la conférence de Wannsee où est indiqué : « sur la solution finale de la question juive, suivie d’une collation le 20 janvier 1942 ».
La Conférence de Matti Geschonneck au cinéma le 19 avril 2023.

Blue Jean
Film de Georgia Oakley (19 avril 2023)

1988. À la suite de la proposition de loi — « section 28 » — du gouvernement de Margaret Thatcher, un groupe de lesbiennes descendent en rappel à l’intérieur de la Chambre des Lords, en exigeant que les droits des personnes gay britanniques soient protégées. Cette loi, « section 28  », responsable de la stigmatisation de la communauté gay et de l’homophobie au quotidien, a propagé une culture du silence dans les établissements scolaires, les familles, empêchant les pouvoirs publics de faire la « promotion de l’acceptabilité de l’homosexualité en tant que prétendue relation familiale ».

Blue Jean décrit cette discrimination infuse à travers une femme fragile, Jean, qui est professeure d’éducation physique. Elle se sent obligée de dissimuler son homosexualité, craignant même de perdre son boulot si elle faisait un coming out. Sa sœur elle-même y fait allusion en ce qui concerne le lien qu’elle a avec son fils, ses collègues posent des questions, s’immiscent dans sa prie privée. C’est dans ce contexte lourd d’attitudes intrusives, de discrimination, de réflexions blessantes, de sous-entendus pernicieux qu’une nouvelle étudiante arrive dans son cours. Lois est différente des autres adolescentes et crée des conflits avec ses camarades car elle refuse de jouer le jeu. Jean voit en elle ce qu‘elle a été adolescente, tente de l’avertir, aimerait la protéger, mais finalement elle l’enfonce au lieu de la soutenir.

La loi n’a été abrogée que dans les années 2000 et a généré des situations dramatiques et beaucoup de traumatismes, tant dans les familles que dans les milieux scolaire ou en société. « La Section 28 était promulguée au niveau national, elle était connue de tous et toutes. Dans les villes plus petites, j’imagine [dit la réalisatrice] que les cercles étaient plus restreints, qu’il n’y avait qu’un bar où aller, et c’est dans ce genre d’univers que Jean évolue. Peut-être qu’il était plus rassurant d’être à Londres sur plein d’aspects. Mais la discrimination constante était la même. Et c’est encore très difficile aujourd’hui. Faire son coming out est toujours quelque chose de difficile, qu’on soit adolescent ou adulte. On n’est jamais sûrs d’être acceptés par les autres. »

Blue Jean est un premier long métrage extrêmement sensible et touchant. Les personnages sont très bien construits, complexes et incarnés magnifiquement par des comédiennes étonnantes de naturel. Le film met en évidence les blessures profondes générées par une discrimination institutionnalisée qui, même après l’abrogation de la loi, laisse des traces dans la société et les mentalités.
Les choix de réalisation, les dialogues, la direction des comédiennes renouent avec le grand cinéma social britannique. Blue Jean est un film rare et très fort. Blue Jean de Georgia Oakley au cinéma le 19 avril 2023.

Avant l’effondrement
Film d’Alice Zeniter et Benoît Volnais(19 avril 2023)

Juin à Paris, c’est la canicule. Tristan, directeur de campagne d’une candidate aux législatives, plutôt radicale et qui se défend de tout opportunisme, reçoit un courrier anonyme contenant un test de grossesse positif. Angoissé par la possible transmission d’une maladie génétique, dont sa mère est morte, il se met à la recherche de la femme qui lui a envoyé ce test. L’envoi anonyme n’a hélas aucune trace de son auteure. Les hypothèses se bousculent : blague nulle, pression et scandale de campagne, la candidate soulève en effet bien des polémiques… Tristan se perd en conjonctures et déroule un fil d’Ariane auprès de ses partenaires amoureuses dans un climat de no futur climatique.
Le premier film d’Alice Zeniter et Benoît Volnais dépeint l’ambiance d’une époque, dont l’un des aspects cruciaux, est souligné par le coréalisateur « c’est la croyance de plus en plus partagée que l’avenir sera sombre, périlleux, que le pire est à venir. Et ça reconfigure, selon nous, les manières de penser, de voir, d’aimer, d’envisager le temps, le travail, les modes de vie, l’amitié, la filiation, etc. Nous avions envie de raconter ça, avec les moyens du cinéma, avec les émotions, les partis pris narratifs et esthétiques que permet le cinéma. […] Faire un film pour raconter la difficulté d’être, c’est aussi un geste politique. »

Filmer la période contemporaine, en cerner les préoccupations, les rêves, les craintes et en même temps expérimenter des pistes de solutions sans pour autant abandonner l’esprit critique nécessaire, cette perspective est tout l’intérêt du film. C’est aussi la réussite de ce premier film, Avant l’effondrement, qui montre en prologue un ours blanc sur une banquise qui fond, et se poursuit par la mise en place des problématiques abordées : le réchauffement climatique, l’engagement d’une candidate aux élections refusant les « arrangements », le changement de mode de vie, les rapports amoureux, avoir ou non des enfants, donc l’avenir des futures générations, la lutte des classes, l’égalité des femmes… Le point fort étant la discussion passionnante entre deux amies, issues du même milieu social, pendant le repas, discussion politique et philosophique lors de laquelle elles renversent les rôles habituels, les femmes parlent politique, argumentent et les hommes écoutent. La citadine résumant ainsi leur situation : « la différence avec toi, c’est que tu peux choisir, si quelque chose ne marche pas, tu peux retrouver ton cocon de bourges. Tu as un droit de retrait. Ce que je fais moi, c’est que j’apprends à avoir un regard critique. J’utilise la démocratie pour exprimer des changements, mais je veux la révolution. En fait, je suis une traitre à ma classe sociale. »

Raconter une histoire, c’est une « responsabilité politique, qui consiste à prendre en compte les évolutions sociales et anthropologiques de l’époque dans laquelle le film va sortir, va s’inscrire. » Selon Alice Zeniter, « la fiction crée des horizons désirables ou terrifiants, elle forme en nous certaines aspirations, certains aveuglements aussi. Mais elle ne sera jamais suffisante pour provoquer des renversements massifs. » Certes, un film ne va pas faire la révolution, mais il détient le pouvoir de la représentation sur les imaginaires, et le cinéma peut provoquer des réflexions, des remises en question du système, accompagner un débat, etc.… La puissance du film est finalement dans la représentation de la société, particulièrement dans ce qui est souvent minoré, passé sous silence, voire dissimulé. Fable sociale et politique, Avant l’effondrement, se déroule en deux temps, d’abord en ville, puis hors du milieu urbain, marquant d’emblée un changement de décor et de rythme.
Avant l’effondrement est le portrait d’une génération et soulève des questions dont la principale est : « comment vivre quand le futur est incertain, peut-être inexistant ? ». Chacune et chacun a sa manière. Parallèlement, le film évoque également la nécessité de créer de nouveaux récits, de trouver et de tester de nouvelles formes pour raconter, travailler la narration fictionnelle, et avant tout « d’être responsable, moralement et politiquement lorsqu’on fait de la fiction. »
Avant l’effondrement d’Alice Zeniter et Benoît Volnais est sur les écrans le 19 avril.

Désordres
Film de Cyril Schaüblin (12 avril 2023)

« L’anarchisme, c’est le communisme sans le gouvernement », dit une aristocrate russe à une amie, en se faisant photographier dans un parc. C’est le début du film, qui prend place à Saint-Imier, en 1877, dans une horlogerie suisse où pointent déjà les bouleversements du productivisme, à un moment où la vallée devient l’épicentre du mouvement anarchiste…

Joséphine, une jeune ouvrière, place le balancier, pièce essentielle d’une montre, et croise Pierre Kropotkine à une époque de grands bouleversements technologiques, la mesure du temps, la photographie, de nouvelles formes de communication, notamment avec le télégraphe. L’ordre social, prôné par le capitalisme, et le nationalisme s’opposent au discours anarchiste et à la conscientisation des ouvriers et des ouvrières. Le temps est ici central : temps de travail, temps de parole, temps pour se rendre à l’atelier, celui des trains et du télégraphe…
Le film, inspiré par les Mémoires d’un révolutionnaire de Pierre Kropotkine, restitue à partir de faits historiques, son séjour en Suisse et sa prise de conscience.

Mon chat et moi.
La grande aventure de Rroû

Film de Guillaume Maidatchevsky (5 avril 2023)

Vous avez aimé le Dialogue des bêtes de Colette avec les célèbres personnages de Kiki-la–doucette et Toby-chien, accompagnés par des seigneurs de moindre importance, vous avez été fan de Buck dans Call of the Wild (l’Appel de la forêt), et de Croc Blanc de Jack London, alors vous allez aimer Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû, le récit d’un chat pas comme les autres, depuis sa naissance sous les toits de Paris jusqu’à la forêt enchantée des Vosges.
Filmer ainsi des chatons de deux mois et leurs espiègleries, montrer les différences de caractère des petits félins, déjà très visibles même encore dépendants de leur mère, c’est impressionnant. Viennent ensuite les escapades, la rencontre avec son humaine, Clémence, les rapports de Rroû avec cette dernière, parce que évidemment très vite, c’est lui qui domine la situation. Mais là rien d’étonnant, ne dit-on pas « j’habite chez mon chat » puisque dès leur jeune âge ils/elles savent s’imposer aux humain.es qui pensent les héberger.

Après la séquence du grenier, il y a l’appartement de Clémence et tous les objets à tâter, tester et faire tomber. Peu de temps après, le voyage en voiture avec force miaulements — franchement enfermé dans une boîte ! Ils sont fous ces humains, Rroû en a la nausée ! — mais lorsque la voiture s’arrête : la nature l’éblouit ! Voici à portée de pattes la découverte de la forêt, une aventure transcendée dans toute sa magie par une caméra étonnante de virtuosité, l’apparition majestueuse du lynx, le grand duc à la poursuite de Rroû — aussi malin l’un que l’autre —, la solidarité des poules gardiennes de leur poulailler, face à l’intrus qu’est le jeune chat encore très urbain et qui bat en retraite, ou encore le chien Rambo qui parle avec sa « colocataire », Madeleine, dans une cabane de trappeurs en pleine forêt. Je vous l’ai dit, il y a dans cette histoire le souvenir en transparence de Jack London.
Mais pour tout vous dire, cette histoire s’inspire très librement du livre de Maurice Genevoix, Rroû, paru en 1931. Ce n’est pas une adaptation, c’est un pas vers la création cinématographique d’un univers animal comme il est rare de voir au cinéma, grâce à une caméra attentive aux caractères du chat, des chats, et des animaux dans cette forêt mystérieuse, qui prend des allures de forêt des lilas, interdite aux enfants et ouverte au parcours initiatique de Rroû. Quant aux prouesses des animaux, filmées au naturel la caméra au ras du sol, rien à voir avec les numéros de cirque d’animaux dressés, qui mettent mal à l’aise si l’on pense aux conditions de dressage, non place est faite à la vie de la forêt. Aucune mièvrerie dans cette histoire imaginée à hauteur de chaton et de chat dans un contexte actuel, urbain puis forestier ; il peut même y avoir de la cruauté dans certaines scènes… La vie avec de l’émotion, du suspens, du partage et des surprises.
« Je n’aime pas l’idée de sédentarité, d’être “esclave de...”, “enchaîné à...” [confie le réalisateur]. Et c’est donc pour ça que j’aime le chat ! Pour autant, sans dépendre de l’autre, on peut partager des choses avec lui, communiquer, l’écouter. L’important, c’est le partage, l’observation. » Du coup, Rroû devient le pirate qui s’affranchit de la vie confortable et des coussins, prêt à tous les risques pour satisfaire sa curiosité, même jusqu’à se passer du lit douillet et des caresses de Clémence.
En fait, Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû est un conte d’aujourd’hui avec une fillette, qui découvre un master cat déterminé, qui finalement… non, je ne vous dirai rien du final, sinon qu’il y a aussi dans l’histoire une princesse féline qui a du caractère et de la suite dans les idées…

Belle rencontre pour les amoureux/ses des animaux et des félins, dont je suis… Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû est dans les salles depuis le 5 avril.
À noter que le livre de Maurice Genevoix, Rroû, est paru dans une nouvelle édition, illustrée, en septembre 2022 (éditions la table ronde).
Et vient de paraître (aux éditions Belin) un très beau livre, illustré par les sidérantes images du film Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû, un livre dont l’autrice, Jessica Serra, décrypte la découverte de la forêt par Rroû, ses rencontres avec les animaux sauvages et dévoile des secrets sur nos félin.es… En coulisse d’un tournage pour en savoir plus, mais également des clés sur la magie féline… Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû, le film de Guillaume Maidatchevsky et livre de Jessica Serra.

Le cinéma d’animation.
C’est toute une gamme de films actuellement sur les écrans qui nous a donné l’idée avec Iris Robin d’en évoquer quelques uns :
Suzume de Makoto Shinkai (12 avril) ;
Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles : La Moufle de Roman Kachanov , Il était une fois un chien de Edouard Nazarov et Le Lionceau et la tortue de Inessa Kovalevskaya (5 avril)
Drôles d’oiseaux de Charlie Belin & Mariannick Bellot
L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre
Le Tout petit voyage d’Émily Worms.

Tout d’abord trois films d’animation réunis sous le titre À vol d’oiseaux :
Drôles d’oiseaux conçu par Charlie Belin & Mariannick Bellot et réalisé par Charlie Belin
Drôles d’oiseaux, un moyen métrage imprégné d’une tendresse et d’une douceur craquantes. Sur sa conception, le processus de création, Charlie Belin raconte : « Le personnage d’Ellie a vraiment pris vie quand j’ai commencé le travail d’écriture avec Mariannick Bellot, co-autrice du scénario. Elle a réussi à lui donner chair, elle la dessinait à l’écrit, sous toutes les coutures, et je la griffonnais dans des carnets de croquis au fil de nos séances de travail. Le mélange de nos deux sensibilités a infusé pour qu’Ellie devienne un personnage de fiction bien concret qui nous semblait aussi réel et tangible qu’un personnage de documentaire.  »
Drôles d’oiseaux est accompagné par L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre et par Le Tout petit voyage d’Émily Worms

On continue avec Le Petit hérisson dans la brume et trois autres films :
Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles en copies restaurées par Malavida et en sortie cinéma le 5 avril,
On commence avec :
La Moufle de Roman Kachanov

Une petite fille rêve d’avoir un petit chien, mais sa mère refuse. Pourtant le désir est si puissant que soudain, sa moufle se métamorphose en petit chien et se présente à un concours canin. Réalité ou fantasme ? Qu’importe, c’est un chef d’œuvre de poésie et une merveille de réalisation.

Il était une fois un chien de Edouard Nazarov
Il était une fois un chien… c’est l’histoire d’une amitié entre un loup et un chien qui, vieillissant, est considéré comme inutile et chassé de la ferme…

Le chien se retrouve seul dans la forêt et rencontre le loup et, contre toute attente, ces deux-là deviennent des potes et s’entraident mutuellement face à la stupidité et à la cruauté des humains. Une très belle fable populaire.

Le Lionceau et la tortue de Inessa Kovalevskaya
Une autre histoire d’amitié, cette fois entre un lionceau et une tortue… Pourquoi pas ? Un coup de foudre amical et immédiat et voilà nos ami.es passant la journée à chanter et à gambader dans tous les coins. Une comédie musicale en animation, ma foi cela y ressemble bien.

Le Petit hérisson dans la brume de Youri Norstein
Un petit hérisson perdu dans le brouillard, est-ce un autre monde ? Et voilà qu’il entend une voix, celle de son ami l’ourson qui semble venir d’ailleurs. Pourtant c’est bien cette voix qui le guide ici, et l’aide à trouver son chemin pour ne pas se perdre. C’est un « must » m’a dit Francis Gavelle, de l’émission Longtemps je me suis couché de bonne heure sur Radio libertaire, et il en connaît un rayon du cinéma d’animation !

Suzume de Makoto Shinkai (sortie 12 avril).

Dans la petite ville paisible de Kyushu, Suzume, 17 ans, vit avec sa tante. Et ce matin là, elle s’apprête à rejoindre son lycée en vélo lorsqu’elle croise un mystérieux jeune homme, qui lui demande s’il y a des ruines dans le coin. Oui, il y a bien un hameau abandonné dans la montagne, répond-elle. Il est à la recherche d’une porte et s’éloigne en la remerciant. Intriguée, Suzume décide de ne pas aller en cours et de suivre le jeune homme vers cet endroit… où elle découvre en effet une porte délabrée au milieu des ruines et d’une mare d’eau stagnante. C’est alors qu’instinctivement elle ouvre la fameuse porte et déclenche ainsi des cataclysmes un peu partout dans tout le Japon.

Elle a, sans le savoir, débloqué les portes qui laissent la voie libre à un ver géant qui sort des entrailles de la terre, comme une tornade, et qui menace de destruction la population dans tout le pays. Le jeune homme est formel, les portes doivent être refermées sinon des centaines de personnes vont mourir. La terre tremble et apparaît un chat incroyable qui déclare son amitié à Suzume, mais certainement pas au garçon qu’il transforme en chaise…
C’est alors que Suzume entame un long voyage initiatique, à la poursuite du chat et en compagnie de la chaise à trois pieds, enfin du jeune homme transformé, avec pour mission fermer toutes les portes infernales…

Les Chroniques rebelles et le cinéma d’animation : Nayola de José Miguel Ribeiro (8 mars 2023) ; deux films de Bill Plympton en copies restaurées (15 mars 2023) : L’Impitoyable lune de miel ! (I Married (A Strange Person !), Les Mutants de l’espace ; Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse de Michel Ocelot (DVD / BR) ; Le Petit Nicolas d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre (VOD/DVD/BRD 9 février 2023) et Interdit aux chiens et aux Italiens d’Alain Ughetto (25 janvier 2023).