Chroniques rebelles
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Samedi 30 septembre 2023 (4h)
Réfractions n° 50. Victor Jara : témoignage de Hector Herrera (Dissonances). Notre corps de Claire Simon. Lost in the Night de Amat Escalante. L’Air de la mer rend libre de Nadir Moknèche. Dalva d’Emmanuelle Nicot. Louis Malle aux Etats-Unis : Atlantic City, My Dinner with André et Vanya 42e rue.
11h30-15h30
Article mis en ligne le 8 octobre 2023

par CP

Réfractions n° 50
Rencontre avec Jean-Jacques Gandini, Monique Rouillé-Boireau, Erwan Sommerer et Heloïsa Castellanos.

Victor Jara : témoignage de Hector Herrera (extrait de l’émission Dissonances)

Notre corps
Film de Claire Simon (4 octobre 2023)

Lost in the Night
Film de Amat Escalante (4 octobre 2023)

L’Air de la mer rend libre
Film de Nadir Moknèche (4 octobre 2023)

DVD : Dalva d’Emmanuelle Nicot

Louis Malle aux Etats-Unis et actuellement sur les écrans : Atlantic City, My Dinner with André et Vanya 42e rue

Réfractions n° 50

Réfractions N° 50 . 25 années de la revue de recherches et expressions anarchistes
CETTE LIVRAISON PARTICULIÈRE NE SE VEUT PAS UN NUMÉRO « bilan avant inventaire » ; il s’agit plutôt de voir comment les changements qui ont affecté le monde en 25 ans ont été reflétés au fil des numéros, et d’envisager des pistes pour l’avenir. C’est pourquoi il est composé d’anciens articles organisés autour de quatre thèmes qui nous ont semblé pertinents pour situer le travail de critique effectué au fil de ces années.
Le projet de la revue était de repenser l’héritage, les héritages plutôt, anarchistes, de voir ce que deviennent nos invariants, valeurs, pratiques, références, dans nos sociétés en constante évolution. Dès le départ la réflexion s’est située dans le constat de régression de la pensée politique dans un monde néo‐libéral, monde post 1989, pseudo démocratique, caractérisé (entre autres) par l’oubli de la question sociale et le rejet de la rupture révolutionnaire. Parallèlement, nous étions convaincus que les idées anarchistes et libertaires, qui avaient connu un renouveau après mai 68, nourrissaient nombre de luttes, avec l’apparition de nouveaux terrains (féminisme, écologie) et la réaffirmation de nos valeurs (refus des délégations de pouvoir, expression directe), etc. D’où l’interrogation : quel anarchisme aujourd’hui ? Et qu’a‐t‐il à dire et à apporter dans ce monde néo‐libéral ?
Cette exigence de penser et repenser la société d’aujourd’hui, ses évolutions dans les formes de domination et les failles par où peuvent se glisser les voies de l’émancipation, s’est formulée, dès les premiers numéros, dans la tension entre deux approches : l’opposition entre les tenants du combat traditionnel contre la centralité du pouvoir politique, l’État et ses multiples institutions, et ceux pour qui la remise en cause multiforme des modes de vie, les expériences alternatives constituaient les voies d’une rupture. Cette question était explicitement posée dans le numéro 2 : Où (et comment) se situe l’anarchisme comme mouvement de transformation, de rupture dans ce débat ? La discussion autour de la violence ou de la non‐violence a aussi été une question clivante dont rend compte le numéro 5. On voit par là qu’un des problèmes centraux par où se sont exprimées les principales divergences a été celui des moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une transformation sociale libertaire, des modalités qu’elle pourrait emprunter (révolution politique, difficilement pensable aujourd’hui ou valeur intrinsèque des alternatives vécues ici et maintenant ?). Ce thème apparaît de façon récurrente, et on le retrouve dans un numéro récent, le 46, qui traite de la question des « préfigurations ».
Au fil des numéros se dessine le souci de préciser ce qu’est l’anarchisme dans sa dimension plurielle, bien éloignée tant du marxisme, que des idées reçues trop largement partagées sur son compte. À côté de thématiques classiques ou attendues sur l’État, le fédéralisme, le pouvoir ou la liberté, la critique de la démocratie libérale et de la dépossession, la servitude qu’elle entraîne, nombre de numéros se sont intéressés à l’éducation, la justice, l’économie, l’illégalisme, les jeunes, la peur, le travail, le secret, pour n’en nommer que quelques‐uns. Mais ce qui apparaît aussi, c’est un souci de voir comment les théorisations ou les problématisations contemporaines interrogent ou enrichissent le corpus plus classique de la pensée anarchiste, et en retour, de mettre en lumière la pertinence maintenue des critiques anarchistes au pouvoir (quelques en soient les conceptions, comme nous le verrons plus bas) et à l’articulation libérale liberté / pouvoir ; la réaffirmation que pour les anarchistes, la liberté c’est le refus de toute domination, que la liberté est inséparable de l’égalité, et l’affirmation que la société peut tenir sans pouvoir extérieur. C’est aussi l’idée que le chemin des lu es est aussi important que le but de la révolution, et qu’il n’y a pas de séparation entre les fins et les moyens.
Les numéros 17 à 20 ont constitué des sortes de « numéros charnière » qui ont enregistré un infléchissement des modes d’approche. C’est à partir de là surtout que le concept de néo‐libéralisme sert à problématiser ce qui change dans la société, dans la structure sociale, dans les formes de travail, la reformulation des problèmes (individualisation, identités supplantant la classe, etc.) donc dans les conditions de la domination et les formes et lieux de riposte. C’est à partir de ces numéros aussi que le débat entre moderne et post‐moderne se précise, et que les approches traditionnelle et foucaldienne du pouvoir se confrontent. C’est aussi dans ces années que ce débat commence à traverser le mouvement anarchiste. Ce débat autour de la nature du néo‐libéralisme et du post‐modernisme n’est pas une joute intellectuelle formelle, mais engage nos représentations du réel et donc nos perceptions et orientations des luttes, il détermine aussi les conceptions des modalités de rupture possible.
La question est alors de savoir si le post‐modernisme constitue la pensée la plus radicale des nouvelles formes de domination, ou s’il n’est qu’un accompagnement du néo‐libéralisme, s’il est un nouvel outil critique ou au contraire, en conformité avec l’imaginaire dominant ?
C’est à travers la question de la place du politique, de la conflictualité dans le néo‐libéralisme, que le problème est posé. Celle‐ci y apparaît en effet comme diluée : on assisterait à la fin de la division en classe, au consensus sur l’ordre néo‐libéral, présenté comme une évidence, sans échappatoire. Le politique n’est plus alors que la garantie des droits ; l’imaginaire de la révolution est mis en congé, remisé, au mieux, au rôle d’utopie pittoresque mais dépassée, au pire, d’archaïsme mortifère. Le post‐modernisme, dans le sillage de Michel Foucault, fait du pouvoir non pas une institution dotée d’une centralité, mais une simple forme anthropologique du social (il est partout, tisse tous les rapports sociaux, sans que les instances de domination politique fassent l’objet d’une situation particulière), et proclame la mort du sujet politique. Ce faisant, il peut apparaître comme l’idéologie même du néo‐libéralisme, et ne peut donc nous fournir les moindres catégories critiques disent ses détracteurs, tandis que ses adeptes pensent que, se tenant au plus près des nouvelles caractéristiques des sociétés actuelles, il est le mieux à même de faire émerger les formes de lu e les plus efficaces.
Nous avons organisé le numéro en quatre grands « dossiers » de réflexion. Évidemment le nombre articles présentés ici ne rend pas justice au travail de bien des auteurs (du collectif ou extérieurs) qui ont contribué à Réfractions, et nous nous en excusons auprès d’eux ; mais il fallait faire des choix, et les thèmes retenus nous ont orientés vers la sélection présentée ici :
La vision post‐moderne coloniserait l’imaginaire collectif en prenant appui sur les conditions de privatisation des individus, l’apathie et le repli politique et la dilution du lien social dans la société post‐industrielle. Elle semble congédier l’idée de sujets collectifs capables de transformer la société, d’être acteurs d’une émancipation, et renvoie l’idée d’une réorganisation politique et économique, d’une destruction du capitalisme et de l’État, dans l’illusion. Alors que l’importance de la dimension centrale du politique est réaffirmée par les tenants des Lumières, ce qui ne signifie pas, loin de là, la croyance au rôle historique d’un sujet identifié au prolétariat, ni d’un maintien inchangé de conceptions héritées de la révolution industrielle du XIXe siècle qui a vu naître l’anarchisme.
Le pluralisme revendiqué de la revue dans la façon de penser ces mutations, ne se limite pas à être une simple juxtaposition de positions. Sont privilégiées les tensions nouvelles nées du néo‐libéralisme et de la critique post‐moderne, et c’est d’un débat contradictoire qu’il s’agit. Au‐delà, demeurent des points communs, la réaffirmation de la liberté comme volonté de non résignation, et potentiel de création.
Modernité / Post‐modernité
Traiter ce thème en premier nous paraît d’autant plus important, qu’en dehors même des articles qui traitent directement du débat, on le retrouve, explicitement ou en filigrane, dans de très nombreux thèmes, et il « informe » tant les positions théoriques, que les différentes analyses des luttes.
Théorie politique
Les textes choisis concernent l’actualisation ou le débat autour des grands thèmes, révolution et sujet révolutionnaire, pouvoir, démocratie et État.
Luttes et résistances
L’accent est mis sur les nouvelles façons de penser les luttes (en particulier au sein du féminisme), et sur la tension entre les expériences alternatives et les lu es plus frontales contre le politique, l’interrogation sur ce que vaut l’absence d’horizon de vraie rupture. Et aussi sur les anticipations libertaires de certaines pratiques.
Écologie sociale / critique de la technologie / habiter la terre autrement
Les articles choisis portent sur le débat concernant la critique de la collapsologie, mais aussi le capitalisme vert, la valeur réelle de rupture des expériences autonomes alternatives, la critique d’un nouvel écologisme d’État, l’entraide comme fondement moral d’un socialisme « par en bas », et la façon dont les constantes de l’anarchisme peuvent éclairer le débat.
Une certaine continuité dans les interrogations (et ce, dans un cadre de tension éclairante entre divers regards), se dégage de ces 50 numéros et nous espérons que ces 25 ans de travail commun puissent constituer un corpus sérieux de références pour qui veut s’intéresser à la réflexion anarchiste sur la société contemporaine.
Aujourd’hui nous sommes en train de sortir du capitalisme post‐industriel et de passer au capitalisme cognitif. L’important est la gestion de flux d’infos, en réseau, la prédominance des liens réticulaires sur liens pyramidaux ; parallèlement le travail est dénié en tant que catégorie centrale pour être réduit à « l’employabilité », et bien d’autres changements encore. Autant de mutations sur lesquels « l’expression et la recherche anarchistes » que mène Réfractions pourra se pencher.
La Commission

Victor Jara : témoignage de Hector Herrera (Dissonances)

Hector Herrera : témoignage sur l’assassinat de Victor Jara
Extrait de l’émission Dissonances diffusée sur Radio Saint Affrique le 26 septembre 2023.
Merci à Josef Ula pour cette rencontre avec Hector Herrera
Musiques : La partida, Victor Jara ; Plegaria de un labrador, Victor Jara ; Comme un guitariste chilien, Zebda ; Il giorno del falco, Pippo Pollina ; Chanson pour Victor Jara, Michel Bühler ; Te recuerdo Amanda, Victor Jara ; This is the day, Christy Moore ; El derecho de vivir en paz, Victor Jara repris durant les manifestations de 2019.

CINÉMA
Notre corps
Film de Claire Simon (4 octobre 2023)

Claire Simon raconte des histoires avec sa caméra. Et ses films documentaires prennent une nouvelle dimension : « les souvenirs, aussi déroutants que les fantasmes, aussi enfouis que les craintes et les doutes trouvent un langage pour se formuler, des gestes pour s’incarner, des lieux pour se matérialiser. »
Notre corps, son nouveau film «  vient d’une rencontre » et, en entrant dans l’hôpital avec sa caméra, elle filme ses pas avant de pénétrer dans le lieu et de se mettre à l’écoute des femmes dans des moments intimes, extrêmes, faits de crainte, d’angoisse, de bonheur, d’attentes…
L’équipe de tournage est entièrement féminine, le « parti pris de la mise en scène » étant de « s’arrimer à ces corps. Ce n’est pas facile de filmer le corps à l’hôpital, parce qu’il est largement caché lors des opérations, des accouchements. Je voulais donc [explique Claire Simon] y aller franchement en matière de représentation : des seins, des actes de palpations de chair, des ventres, des peaux. Il s’agissait presque de se mettre du côté de la sculpture. Mais je n’ai pas l’impression de l’avoir fait brutalement, mais, au contraire, avec le plus d’amour possible. Si le corps féminin est caché, la douleur est presque introuvable. J’ai eu l’impression de la traquer. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à la séquence où la femme évoque son accouchement avec une psychologue, tout en allaitant son bébé. On a l’impression d’entendre sa voix-off pendant qu’elle accouche... Mais c’est curieux la douleur, elle reste globalement un angle mort. […] Le corps, la langue et la langue du corps, c’est ce qui m’intéressait. »
Notre corps n’est pas un film sur l’hôpital, mais sur le corps des femmes, donc « filmer le corps des femmes. Il n’y avait que ça qui comptait pour moi [précise Claire Simon]. Les corps dans sa beauté, dans sa matérialité, dans sa singularité – c’est-à-dire l’absence de normes, de canons de beauté. »
En suivant la trajectoire du corps féminin, en évoquant les choses heureuses et malheureuses, l’émotion se tient à chaque moment du film, et, finalement, la réalisatrice passe elle-même devant la caméra lorsqu’elle apprend qu’elle a un cancer et constate que le corps est « une sorte de chaos ». « Nous les femmes, nous sommes faites pour souffrir, on nous a toujours dit ça, n’est-ce pas ?  » dit avec dérision Lou, jeune femme enceinte souffrant d’un cancer. « Si avec la découverte de la péridurale, les choses ont évolué, on sent que toutes les choses archaïques sont là : le plaisir sexuel et la reproduction de l’espèce se payent par une diabolisation du corps féminin, au moins une inquiétude, une méfiance, des peurs. Cela a déterminé ce partage établi par les hommes : on s’occupe du pouvoir, occupez-vous de la vie. »
Notre corps est un film profondément lié à la réalité comme aux rêves, avec une parole étonnante de la part de celles et ceux qui soignent, écoutent, partagent avec les patientes… C’est aussi un film engagé et d’une très grande humanité, émouvant par les expériences et les émotions que l’on traverse en tant que public…
Notre corps de Claire Simon est au cinéma le 4 octobre 2023.
Une rétrospective des films de Claire Simon a lieu jusqu’au 1er novembre au centre Pompidou

Lost in the Night
Film de Amat Escalante (4 octobre 2023)

« Non à la mine » : le début du film a pour cadre une manifestation et une contre manifestation dans une région minière du Mexique. Une militante écologiste argumente à propos des conséquences de l’extractivisme sur l’environnement. Une jeune fille dit que la mine fournira du travail dans cette région isolée et freinera l’immigration. Dès le début du film, la tension est présente, le danger larvé et la tragédie annoncée lorsque les voix s’élèvent et s’opposent. La séquence est le prologue à une histoire trouble de la corruption et de la manipulation. De retour de la manifestation, la voiture de la militante et de ses camarades est prise en chasse par des policiers à la solde de la compagnie minière, le chauffeur est abattu, les autres sont liquidés et les corps portés disparus.
Trois ans ont passé, Emiliano le fils de la militante, n’a qu’une idée en tête, savoir où se trouve le corps de sa mère et qui est responsable de sa mort. Il est à la fois vulnérable par sa situation socioéconomique et déterminé, il sait qu’il ne peut attendre aucune aide officielle, ni de la police ni de la justice.
« Dans mes films, [explique Amat Escalante] je parle d’hommes et de femmes qui sont en lutte contre la société, contre le système ; ce sont à bien des titres des “victimes”. Et sur leur position de “victime”, je bâtis un film. » Dans cette quête d’Emiliano, il est surtout question de lutte des classes et de société minée par la violence et la corruption, et cela est sans doute plus central que dans la Région sauvage, son précédent film. L’isolement de la maison d’architecte construite au bord d’un lac, le désert qui l’entoure, la mine que l’on perçoit au loin accentuent l’impression de danger et de violence imminente. Jusqu’au personnage friqué de Rigoberto, créateur contemporain inspiré d’artistes plasticiens. Il jouit de sa position sociale, possède des actions dans la mine, mais il est aussi animé par un sentiment de culpabilité. Il « n’est ni un bon artiste ni une bonne personne [précise Amat Escalante] mais il travaille avec ce qui l’entoure. Il cristallise quelque chose qui, pour moi, est le cœur du film. » Emiliano l’attire par sa jeunesse et sa résolution à percer le mystère de la mort de sa mère. Sa quête et les difficultés auxquelles il se heurte sont le ressort du film Lost in the night, thriller social qui interroge un système perverti en même temps que la responsabilité des méfaits sur l’environnement.
Lost in the Night (Perdidos en la noche) de Amat Escalante est en salles le 4 octobre 2023.

L’Air de la mer rend libre
Film de Nadir Moknèche (4 octobre 2023)

Saïd habite encore chez ses parents, à Rennes, et vit secrètement une liaison amoureuse avec Vincent. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira, qui, après une histoire d’amour malheureuse et des démêlés avec la justice, se résigne elle aussi et obéit à sa mère. Tous les deux sont piégés par leurs familles.
Le film est d’abord axé sur le personnage de Saïd, jeune homme intégré et très attaché à sa famille, « son homosexualité le marginalise dans sa famille, mais ses origines l’aident sur le marché du sexe, à condition de mimer la racaille qu’il n’est pas. Saïd profite des clichés pour pouvoir draguer. [Et ajoute le réalisateur,] j’avais l’impression que ce sujet – un homosexuel français d’origine arabe, prisonnier d’un mariage arrangé – n’avait jamais été approché dans le cinéma. » Contrairement à Saïd, qui est protégé par sa famille à condition de sauver les apparences, Hadjira a fait l’expérience de la trahison amoureuse et se tourne vers l’idée d’avoir une famille traditionnelle, des enfants, et même la religion.
Après quelques hésitations de la part de Saïd, le mariage a lieu et le jeune couple joue le jeu, mais ni les expériences d’un soir de Saïd pour oublier Vincent, ni les tentatives d’être sincère de Hadjira ou ses efforts d’entrer dans le rôle de l’épouse parfaite, ne réussissent à permettre de construire une famille. De plus, la mère de Saïd fait pression pour avoir des petits enfants.
Peu à peu cependant Hadjira devine l’homosexualité de Saïd, cela fait naître une complicité au sein du couple et encourage Saïd à dire la vérité à ses parents. Échapper aux contraintes familiales et à l’hypocrisie, c’est sans doute cela la liberté…
L’Air de la mer rend libre de Nadir Moknèche au cinéma le 4 octobre 2023.

DVD : Dalva d’Emmanuelle Nicot

Dalva est une gamine de 12 ans qui s’habille et se comporte comme une femme. Elle est placée en foyer après avoir été retirée à la garde son père. Elle se révolte et refuse de voir la réalité. Elle a vécu sous l’emprise de son père depuis l’âge de cinq ans, coupée de sa mère et étant obligée de sans cesse déménager pour échapper au contrôle des autorités.
Dans le foyer, elle se rebelle, refuse de voir sa mère, tente de s’échapper, retourne dans sa dernière maison, mais finalement elle change peu à peu au contact des autres jeunes.
C’est un très lent apprentissage que filme la réalisatrice avec beaucoup finesse et de retenue pour montrer l’emprise d’un adulte sur une enfant. La rencontre de Dalva avec son père en prison, est presque insupportable lorsqu’il avoue à sa fille être pédophile. L’adolescente qui incarne Dalva est impressionnante de naturel, de spontanéité dans une situation dramatique et ses rapports avec les autres jeunes du foyer.
Très beau film où le problème de la pédophilie est exposé avec décence et sans aucun voyeurisme.
Dalva d’Emmanuelle Nicot est à présent en DVD.

Louis Malle a filmé 10 ans aux Etats-Unis, notamment il a réalisé trois films aussi différents que magnifiques : Atlantic City, My Dinner with André et Vanya 42e rue

Atlantic City. Sans doute le film le plus connu de la période états-unienne de Louis Malle. Susan Sarandon, Burt Lancaster et d’autres comédien.nes sont superbes. Le décor est fascinant, avec l’océan et l’éclat suranné de cette ville que Louis Malle voit comme un symbole du capitalisme états-unien. Une ville habitée par des paumé.es qui survivent et rêvent de petits coups minables jusqu’à ce que… À voir ou à revoir !

My Dinner with André ou leçon de cinéma, de construction d’une histoire. C’est tout d’abord la voix off d’un homme, écrivain et comédien, qui met en place les circonstances d’une rencontre en se baladant dans New York pour aller rejoindre une connaissance, un ancien metteur en scène et acteur qui a voyagé et a changé complètement de registre. Réécriture de retrouvailles réelles entre Wally et André, où la fiction croise la réalité et c’est juste génial. Le film est devenu culte aux Etats-Unis.

Vanya 42e rue. Wallace Shawn, ami de Louis Malle — il a joué dans My dinner with André —, évoque le désir d’interpréter le rôle titre de la pièce d’Anton Tchekhov, Oncle Vanya, et André Gregory, le comédien du même film, s’appuie, pour sa mise en scène, sur l’adaptation et la traduction du dramaturge David Mamet. André Gregory et Wallace Shawn arrivent à convaincre Louis Malle de faire un film à partir des répétitions de la pièce. Le décor ici aussi est fascinant, un vieux théâtre tombant en ruines, et reflète tout à fait l’esprit de la pièce de Tchekhov.

Le film se présente comme le filage de la pièce, les comédiens et comédiennes jouent en costumes actuels et sont remarquables. Un acte se termine… ils et elles reprennent le cours de leurs préoccupations. Le filage reprend, nouvel acte et les voilà replongé.es dans cette histoire absurde où tout le monde gâche sa vie. Wallace Shawn et Julianne Moore y sont fantastiques, bouleversants et la pièce résonne aussi différemment, plus actuelle, plus proche. Entre cinéma et théâtre, c’est une merveille !
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