Chroniques rebelles
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Samedi 7 octobre 2023
Federico Fellini, Amarcord avec Jean-Max Méjean. La Fiancée du poète de Yolande Moreau. Lost Country de Vladimir Perisic. Vicenta B de Carlos Lechuga. Mal Viver et Viver mal de Joao Canijo. Rétrospective Milton Moses Ginsberg : Le Loup-Garou de Washington et Coming Apart. La Crise de Colline Serreau (BRD). Théâtre : The Freedom Theatre en France avec And Here I Am de Hassan Abdulrazzak, mise en scène de Zoe Lafferty. Manifeste rien à Paris : Homo ça coince et Chacal. La fable de l’Exil. CQFD n° n° 223 : Sous le signe de l’Hexagone.
Article mis en ligne le 8 octobre 2023

par CP

Federico Fellini :
Amarcord : 50ème anniversaire de la sortie du film
Entretien avec Jean-Max Méjean

La Fiancée du poète
Film de Yolande Moreau (11 octobre 2023)

Lost Country
Film de Vladimir Perisic (11 octobre 2023)

Vicenta B
Film de Carlos Lechuga (11 octobre 2023)

Mal Viver et Viver mal
Deux films de Joao Canijo (11 octobre 2023)

Rétrospective Milton Moses Ginsberg
Deux films, le Loup-Garou de Washington et Coming Apart (par les films Camélia)

La Crise
Film de Colline Serreau (DVD/BRD Tamasa)

Théâtre : The Freedom Theatre en tournée en France
And Here I Am
De Hassan Abdulrazzak, mise en scène de Zoe Lafferty

La compagnie Manifeste rien à Paris :
Homo ça coince
Chacal, la fable de l’exil

CQFD n° 223 : Sous le signe de l’Hexagone

Federico Fellini :
Amarcord : 50ème anniversaire de la sortie du film

Une occasion de raconter Fellini et son cinéma
Entretien avec Jean-Max Méjean

À l’occasion du 50ème anniversaire de la sortie de l’un des chefs-d’œuvre de Federico Fellini, Amarcord, Jean-Max Méjean et Caroline Masoch proposent dans un livre intitulé Amarcord une analyse détaillée du film dans lequel Federico Fellini revient à la fois sur son enfance, ses rêves, ses fantasmes et sur le fascisme. Amarcord a été filmé en partie dans les studios de Cinecittà, où la ville natale de Fellini, Rimini, a été reconstituée. On y retrouve des personnages inoubliables, la Gradisca, la Volpina, Titta, l’oncle qui veut une femme et le crie, le sultan et son harem, les enfants, leur école, tout un monde entre rêve et réalité… Outre une approche émotionnelle et une analyse séquentielle minutieuse, le livre propose une belle iconographie rappelant les grands moments du film ainsi que la sélection des critiques écrites au moment de sa sortie. On y trouve aussi les contributions de deux assistants du grand réalisateur, Dominique Delouche pour la préface, et Gérald Morin pour un texte sur la préparation et le tournage de ce film.
Cinéaste de génie, Fellini fut aussi un caricaturiste remarquable, et tout cela nous a donné l’envie de revenir sur le parcours cinématographique de ce créateur exceptionnel, ses thématiques, ses images récurrentes, sa vision du cinéma et de l’évolution de la société italienne, et au delà, universelle.
Pour la première partie de l’entretien avec Jean-Max Méjean, nous avons choisi des compositions de Nino Rota évoquant plusieurs des bandes originales des films de Fellini et un extrait de la bande originale de la Cité des femmes composée par Piovani.
Entretien (Première partie)

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Du 9 au 14 octobre, des rencontres, des projections, des conférences autour de la figure et l’œuvre de Federico Fellini, ayant marqué le cinéma italien et mondial du XXème siècle, se tiendront dans différents lieux. Tout le détail à voir sur le site de l’émission des chroniques rebelles.
— LUNDI 9 OCTOBRE — Consulat Général d’Italie à Paris (5, boulevard Emile Augier, 75116 Paris)

— 18h00 Inauguration du Festival

— 18h30 Conférence sur la grande photographe sicilienne Letizia Battaglia par la journaliste Sabrina Pisu, co-auteure avec Battaglia du livre Mi prendo il mondo ovunque sia, moderée par Aureliano Tonet du journal Le Monde.
Réservation obligatoire : https://my.weezevent.com/presentation-du-festival-italien-et-conference-sur-letizia-battaglia
— MARDI 10 OCTOBRE — Maison de l’Italie, Cité Internationale Universitaire de Paris (7 boulevard Jourdan - 75014 Paris)

— 19h00 Présentation-débat du long-métrage Ciel de mars. La Divine Comédie du point de vue de Béatrice (83 mn), un hommage à la modernité de La Divina Commedia, chef d’œuvre universel. Avec Jean-Arneau Filtness (réalisateur) et Zelia Pelacani Catalano, Benjamin Balthazar Lebigre, Niels Mestre. La rencontre sera modérée par le journaliste Paolo Romani.

— 21h00 Projection du film (83’). https://www.jean-arneau-filtness.com/smp-ciel-de-mars-film

Réservation obligatoire : https://my.weezevent.com/ciel-de-mars-la-divine-comedie-du-point-de-vue-de-beatrice
— MERCREDI 11 OCTOBRE - Maison de l’Italie, Cité Internationale Universitaire de Paris (7 boulevard Jourdan - 75014 Paris)
— 20h00 Dans le cadre de la semaine « Jazz à la Cité » à la Cité Universitaire, concert de l’Officina delle Arti Pier Paolo Pasolini avec la cantatrice Tosca, Gegè Telesforo, le Trio Christian Mascetta et deux étudiants.

https://www.ciup.fr/maisons/maison-de-litalie

Réservation obligatoire : https://my.weezevent.com/trio-mascetta-et-officine-pasolini
— JEUDI 12 OCTOBRE — Institut culturel italien (50 rue de Varenne - 75007 Paris)

— 19h00 Concert « Le piano de Tommaso Boggian ».
Né en 1998, Tommaso Boggian a reçu de nombreux prix nationaux et internationaux, notamment le Premio Venezia, le Città di Albenga, le Bela Bartok-Vienne, le Città di Pesaro… Il interprète des pièces de Scarlatti, Chopin et Prokofiev. En collaboration avec Accademia Musicale Chigiana et CIDIM. 
Réservation obligatoire : www.iicparigi.esteri.it
— VENDREDI 13 OCTOBRE — Mairie de Paris 13e (1 place d’Italie - 75013 Paris)

— 18h00 Conférence autour du film de Marco Bellocchio, l’Enlèvement, présentée par le spécialiste du cinéma italien Jean Gili.
Informations : www.mairie13.paris.fr
— SAMEDI 14 OCTOBRE — Fondation Jérôme Seydoux Pathé (73 Av. des Gobelins, 75013 Paris)

— 14h00 Projection de La Dolce Vita dans une version restaurée.
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17h30 Hommage à Federico Fellini pour le 30e anniversaire de sa disparition : conférence organisée par la Mairie du 13ème, avec Dominique Delouche, Jean-Max Mejean, Audrey Norcia, Caroline Masoch et Sophie Guermes.

Informations : www.mairie13.paris.fr
Seront présent.es avec Jean-Max Méjean, Dominique Delouche (premier assistant sur I Vitelloni, Les nuits de Cabiria et La Dolce Vita) ; Audrey Norcia, théoricienne de l’art et commissaire de l’exposition Quand Fellini rêvait de Picasso à la Cinémathèque française en 2019 ; Sophie Guermès, professeure des universités, auteure d’un ouvrage collectif et d’un roman sur Fellini et Caroline Masoch, historienne agrégée et coauteure avec Jean-Max Méjean de l’ouvrage sur Amarcord. Dominique Delouche évoquera l’importance du travail du Maestro et ses méthodes. Audrey Norcia mettra en évidence son grand travail d’artiste à la fois au niveau du cinéma mais aussi au niveau de l’histoire des arts, notamment de la Renaissance. Jean-Max Méjean évoquera le Fellini précurseur, démiurge, médium et poète. Caroline Masoch analysera le fascisme vu et caricaturé par les yeux du Maestro. Sophie Guermès abordera l’alliance du rire et de la mélancolie dans l’œuvre du cinéaste (films, livres, dessins).
Quelques autres livres sur Fellini :
Fellini, un rêve, une vie (Jean-Max Méjean — éditions du Cerf)
Tout sur Fellini (collectif dirigé par Jean Gili — Gremese)
Quand Fellini rêvait de Picasso (catalogue de l’exposition par Audrey Norcia)
Federico Fellini, cinq années avec le Maestro (Dominique Delouche — éditions de La tour verte)
Fellinicittà Collectif sous la direction de Jean-Max Méjean (éditions de la Transparence avec le DVD du tournage du Satyricon, Teatro numéro 5 par Dominique Delouche)
Première partie de l’entretien avec Jean-Max Méjean. À suivre…

Les sorties cinéma du 11 octobre :
La Fiancée du poète
Film de Yolande Moreau (11 octobre 2023)

Le film s’ouvre sur la séquence filmée en super 8 d’une petite fille, comme une réminiscence lointaine d’une vie oubliée. Puis le paysage défile au bord de la Meuse, Mireille, incarnée par Yolande Moreau, revient dans sa ville natale après une longue absence, une déception amoureuse et des ennuis avec la justice. Elle retrouve la maison de ses parents, le grand cerf en béton qui en garde l’entrée, s’installe dans la maison laissée à l’abandon et visite les souvenirs. Elle rencontre le curé, pas banal et allumé, qui promène des petits chiens et l’encourage à ne pas se laisser abattre. Mais ce n’est pas le boulot à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville, même avec ses petits larcins et le trafic de cartouches de cigarettes, qui vont permettre à Mireille de faire les travaux nécessaires pour remettre la maison en état. La candide amoureuse de poésie et d’art, est face à des problèmes quasi insurmontables. Sur les conseils du curé, elle décide de prendre des locataires pour améliorer ses revenus. Le premier, Bernard, recommandé par ce même curé, est jardinier, le second est étudiant, visiblement hyper doué pour la peinture et la reproduction d’œuvres classiques, quant au troisième, il squattait une cabane, se dit musicien et états-unien, et parsème ses phrases de mots dans un anglais approximatif.

Tout ce petit monde vit très bien dans la grande maison, mais Mireille, candide peut-être mais pas née de la dernière pluie se pose des questions sur ses locataires, le musicien est en fait un réfugié politique en attente de papiers et risque de se faire virer à tout instant, le jardinier se travestit et l’étudiant a un talent fou de faussaire. Finalement, « nous faisons tous des mensonges...
 [remarque Yolande Moreau] Et si nos mensonges étaient de petits arrangements avec la réalité pour la sublimer ? » En ajoutant, « j’ai toujours été fascinée par les gens qui endossent la personnalité d’un autre...
 Comme si leur propre vie n’était pas à la hauteur et qu’ils la rêvaient en usurpant l’identité d’un autre. Je me suis interrogée sur le faux, le vrai... Ce qu’il y a de faux dans le vrai et ce qu’il y a de vrai dans le faux... [pour conclure en toute évidence] : j’ai voulu faire un conte poétique et politique. »

Remettre au quotidien la culture et les rapports humains au centre des préoccupations de toutes et tous face à une société où la solidarité se fait rare, la fantaisie aussi, le projet est ambitieux. Mais l’histoire s’y prête comme le ton du film qui, peut-être, est une forme de résistance face à la barbarie ordinaire. Yolande Moreau réussit là un film plein d’humour, de facéties et de sagesse, entourée par un casting formidable, des complices, qui semblent s’amuser beaucoup dans leurs rôles et ce récit. La Meuse est importante aussi, mais je n’en dirai pas plus car il ne faut pas dévoiler la très jolie fin du film.
La Fiancée du poète de Yolande Moreau est dans les salles le 11 octobre 2023.

Lost Country
Film de Vladimir Perisic (11 octobre 2023)

Serbie, 1996. Dans un jardin, Stefan, quinze ans, et son grand-père font la cueillette. L’adolescent attend sa mère, politicienne dans le gouvernement de Milošević. Lost Country, le titre du film vient de cet Eden de l’enfance, « celui de Stefan et le mien [confie le réalisateur] parce que j’ai filmé les scènes du début du film dans la maison de campagne de mon grand-père où je passais mes étés, et c’est aussi la Yougoslavie de Tito, de mon grand-père qui était un résistant antifasciste et qui avait beaucoup de mal avec le climat politique en Serbie dans les années 90. » Or les manifestations étudiantes éclatent partout contre le régime de Milošević. Le choix du réalisateur est donc d’ouvrir le film sur la scène du grand-père communiste « parce que les années 90 sont à la fois la trahison et la métastase du socialisme en Yougoslavie. Métastase parce que cela essaie de continuer après la chute du mur de Berlin et aussi sa trahison parce que pour garder le pouvoir Milosevic a fait sien un discours de droite, réactionnaire, nationaliste, qui a été celui des anti-communistes. » Stefan est très fortement perturbé entre les assertions de sa mère, ses propres convictions et les faits, Il refuse de voir les implications de sa mère dans les événements et ses positions dictées par ses engagements et ses privilèges. Stefan est en dernière année de lycée, fait partie d’une équipe de water polo, et est très proche de ses camarades et voisins. Lorsque ceux-ci accusent sa mère, porte-parole du gouvernement, d’être responsable des arrestations et le traitent de fasciste, il se révolte.

« Dans les Balkans [explique le réalisateur], c’est une trahison de penser autrement que par le prisme de la famille. Le fait que je sois contre les positions de ma famille était inconcevable pour la plupart des gens. Si je n’avais pas eu le cinéma comme voie, j’aurais davantage été pris dans cette culpabilité et ça aurait été encore plus violent pour moi. » Et dans le film, Stefan se retrouve seul lorsque qu’il prend conscience que sa mère a toujours refusé de parler des ses compromissions politiques, de « son travail » prétend-elle, et de ses amis qui le rejettent : « il existe toujours un conflit de double loyauté, un conflit entre l’amour parentale et notre propre impératif éthique. [Ainsi, confie le réalisateur] Le cinéma m’a permis d’articuler mes choix et de prendre mes responsabilités vis-à-vis de la politique de ma mère. » Dans Lost Country, Vladimir Perisic a travaillé avec des non-acteurs pour faire entrer le réel dans le film, inspiré en cela par Rosselini et Bresson qu’il voit comme les deux figures fondatrices lorsqu’il tourne une scène.
En suivant Stefan dans sa prise de conscience, il est aussi question de la montée des tensions en Ex-Yougoslavie et des débuts de la guerre civile qui a déchiré tout un pays et broyé bien des personnes.
Lost Country de Vladimir Perisic est un film original, noir et puissant, au cinéma le 11 octobre 2023.

Vicenta B
Film de Carlos Lechuga (11 octobre 2023)

La Havane, de nos jours. Dans la capitale cubaine, les rues se vident en raison de l’émigration massive des jeunes diplômés. Vicenta a le don de voyance et, lorsque son fils décide d’émigrer aussi à l’étranger, elle est profondément ébranlée et désemparée. Une des conséquences du départ de son fils, qui a toujours vécu avec elle, c’est le constat de la perte de son don de «  santera », celle qui prédit l’avenir en prenant contact avec les esprits d’un monde parallèle. Une jeune fille désespérée, Monica, vient la consulter, mais Vicenta ne perçoit rien et lui dit que tout va bien. « Vous vous trompez » rétorque la jeune fille » qui part brusquement. Par la suite, Vicenta apprend que la jeune fille s’est immolée par le feu et qu’elle est à l’hôpital entre la vie et la mort.

Vicenta a 45 ans, elle est noire, seule et a perdu son don de voyance, donc son travail, dans un pays qui se vide de sa jeunesse. Le film est un très beau portrait de femme qui perd tout d’un coup, comme le souligne Carlos Lechuga : « elle n’est plus considérée comme jeune mais elle n’est pas encore vieille. Elle appartient à cette génération résignée, qui a vu ses aînés animés par un rêve avant de se rendre compte qu’ils s’étaient trompés. La nouvelle génération, celle des jeunes, préfère s’en aller vers de nouveaux horizons. »
Parallèlement à l’histoire de Vicenta, le film aborde deux phénomènes sociaux importants : le départ des enfants laissant des mères seules à Cuba — l’émigration est massive — et « la politique menée par le gouvernement qui emprisonne tous ceux qui pensent différemment. En juillet 2021, il y a eu de nombreuses manifestations de contestation à Cuba et qui se sont soldées par des vagues d’emprisonnements. » D’ailleurs le malaise est évoqué lorsque Monica répond à Vicenta qu’elle n’est pas heureuse de rester à Cuba. Elle n’en dit pas plus, mais l’on peut imaginer qu’elle n’a pas les moyens de partir, on vit avec peu de moyens à Cuba et « il y a une absence d’idéaux. À Cuba, il est difficile de se raccrocher à quelque chose. Les dirigeants n’ont que faire des besoins de la population et la répression est terrible. »
Vicenta vit une crise existentielle et, en rencontrant la mère de Monica, elle se pose des questions sur l’état actuel du pays : « l’histoire de Vicenta et celle de Cuba sont intrinsèquement liées. » C’est ce que l’on retient du film, un beau portrait de femme lié à celui d’une société en crise.
Vicenta B de Carlos Lechuga est à voir au cinéma le 11 octobre.

Mal Viver et Viver mal
Deux films de Joao Canijo (11 octobre 2023)

Deux films en miroir, une double perspective, un seul lieu — un hôtel — isolé du monde extérieur et des personnages divisés en deux groupes, l’équipe gérante de l’hôtel puis, les clients et les clientes. Unité de lieu et unité de temps dans un hôtel familial de la côte portugaise où l’ambiance est étouffante, la complexité des liens familiaux est exacerbée à souhait, en particulier concernant les liens mère-fille, les femmes qui gèrent le lieu d’enfermement sont de la même famille, mais de plusieurs générations. C’est d’ailleurs l’arrivée de la petite fille, Salomé, après la mort de son père, qui va accélérer encore les tensions, raviver les anciennes rancunes, les frustrations et mettre en place une tragédie sur fond d’obligation de vente de l’endroit et du sentiment de vies gâchées. Tous les échanges s’imprègnent d’un mélange insupportable de haine, chantage affectif, reproche et attachement filial, qui empoisonne le climat général. « C’est un film sur l’anxiété d’être mère [souligne Joao Canijo], et sur la façon dont cette dernière mine la capacité d’une mère à aimer sans réserve. Ce sont trois générations de femmes, victimes de l’anxiété maternelle : celle d’une grand-mère qui l’empêche d’être une bonne mère pour sa fille, elle-même incapable de l’être pour sa propre fille.

Les comédiennes ne se transforment pas, elles s’adaptent aux situations et aux circonstances des personnages, sans s’arrêter véritablement d’être elles-mêmes. Le scénario a été créé à partir de deux ans de discussions et de répétitions avec les comédiennes, dans le but de recueillir l’essence de chacune d’entre elles. »
Réussite étonnante dans un huis clos de plus en plus pesant, jusqu’à la tragédie finale. En effet, « le film émane de cette idée que les mères peuvent plonger leurs filles dans l’opprobre et le déshonneur, et ces tourments-ci se transmettent de génération en génération. » Le réalisateur se dit influencé par le théâtre de Strinberg, mais également par John Cassavetes et Mike Leigh dans ses méthodes de tournage.
Le second film, « Viver Mal est le reflet de Mal Viver. Dans un miroir, l’image reflétée se retrouve à l’envers, et ce film montre ce qui ne peut être qu’imaginé dans l’autre : les clients de l’hôtel qui, dans le premier film, ne sont guère plus que des ombres furtives ou des silhouettes apparaissant çà et là, sont à présent les protagonistes. Et ce sont les membres de la famille gérante de l’hôtel, au premier plan dans Viver Mal qui sont relégués au second dans Mal Viver, venant perturber le cours des récits. La vie et les drames de la famille gérante sont aperçus à travers d’inquiétants fragments qui nourrissent l’imagination du [public], tout en ajoutant un aspect dramatique aux personnages [de la clientèle], qui, en passant de l’isolation à l’intégration dans leur environnement social, sont désormais observables. » Cette manière de mener les deux récits se répondant est intéressante et peut surprendre, il semble que le climat délétère du premier film, Mal Viver (Mal de vivre), ait une influence sur la clientèle, les effets toxiques rebondissent et minent en écho les personnages de passage devenus protagonistes. Cela donne Viver Mal (Vivre Mal) où les rapports ne se démarquent guère du « famille, je vous hais ». En effet, les mères y sont pour beaucoup dans le malaise, intrusives, dominantes, envahissantes, des monstres et les enfants deviennent parfois des proies. La mère qui s’impose dans le couple de femmes et n’a de cesse que de les séparer ; une autre entretient des rapports sexuels avec son gendre ; jusqu’à celle qui téléphone à son fils et perturbe son intimité avec la compagne de celui-ci — « je ne peux pas faire autrement que de répondre », s’excuse-t-il auprès de sa compagne.
Les deux films ont fait l’objet de deux méthodes de travail très différentes. Et « c’est de ce travail que naît le scénario. Il ne s’agit pas vraiment de répétitions : ce sont plutôt de longues conversations avec les acteurs, entièrement enregistrées. Les idées dont naissent les scènes sont développées à ce moment-là. » Cela donne un travail de mise en scène original, en effet proche du théâtre tout en étant un film en mouvement. Deux films percutants, à voir ensemble, qui développent une critique en règle de l’institution familiale.
Mal Viver et Viver mal, deux films de Joao Canijo sur les écrans le 11 octobre.

Rétrospective Milton Moses Ginsberg
Deux films, le Loup-Garou de Washington et Coming Apart
(par les films Camélia)

Coming Apart. Pathétique histoire d’un psychanalyste, Joe Glazer, vivant à New York, que sa femme laisse tomber. Il loue une garçonnière et filme ses ébats sexuels pour se donner l’impression qu’il peut contrôler les femmes qu’il croise et dont il profite. Mais manipuler des personnes fragiles et paumées, en l’étant soi-même a un triste résultat. De la décadence à la déchéance psychologique, il n’y a qu’un pas. Pour montrer le manque de repère, le réalisateur casse la fluidité du film avec des arrêts caméra, des coupes sauvages et pour le moins inattendues.

Beaucoup plus surprenant est cet autre film de Milton Moses Ginsberg, le Loup-Garou de Washington. Un attaché de presse, très incrédule et dubitatif question loup-garou, la démonstration d’une étrange créature surnaturelle issue d’un autre monde, est mordu par un loup-garou une nuit de pleine lune dans les Carpates. Et voilà que le Loup-garou, nouvellement contaminé, revient au bercail de la Maison blanche et se transforme les nuits de pleine lune en tuant des femmes. Et tout s’emballe parce que le Président lui-même, plutôt benêt style Reagan, est aussi touché… Et l’allusion aux suceurs de sang est claire.
La démonstration de la bêtise et de la soif de pouvoir est à son comble lorsque le monstre hurle à la lune… Le film sera sur les écrans à partir 11 octobre.

Théâtre : The Freedom Theatre en tournée en France
11 octobre au Théâtre de Choisy-le-Roi

tel : 01 48 90 89 79
And Here I Am
De Hassan Abdulrazzak, mise en scène de Zoe Lafferty

Basé sur une histoire vraie, And Here I Am suit le parcours d’Ahmed Tobasi, jeune palestinien né dans un camp de réfugiés, dont la rencontre avec le théâtre et la scène ont changé la vie. En mêlant réalité et fiction, tragédie et comédie, l’écrivain irakien Hassan Abdulrazzak et la metteuse en scène britannique Zoe Lafferty transportent le public au cœur de la quête de sens et de liberté de ce jeune garçon. Jouant son propre rôle, Ahmed Tobasi nous raconte son voyage, de la Cisjordanie à l’exil politique en Norvège, de la lutte armée au théâtre comme outil de résistance.
11 octobre au Théâtre de Choisy-le-Roi

tel : 01 48 90 89 79
And Here I Am
De Hassan Abdulrazzak, mise en scène de Zoe Lafferty

Manifeste rien : Homo ça coince
les 13 et 14 octobre au Théâtre Koltès à l’Université Paris Nanterre

lors de la Fête de la Science
représentations suivies d’un débat avec le socio-anthropologue Laurent Gaissad

Chacal, la fable de l’exil
les 20 et 21 octobre au Centre d’Anim’ Dunois – Paris 13ème

représentation du samedi suivie d’un débat avec l’anthropologue Tassadit Yacine

Côté DVD/BRD : LA CRISE de Coline Serreau (France - 1992 - Master restauré 4K/ Tamasa)
Un brillant avocat parisien apprend deux mauvaises nouvelles : sa femme le quitte et son patron le licencie. Bouleversé, il cherche du réconfort auprès de ses proches... Le hic, c’est que tout le monde est bien trop plongé dans ses propres problèmes. Tout le monde sauf Michou, un chômeur sans le sou, aussi attachant qu’insupportable...

Festival de cinéma Jean Carmet

Du 11 au 17 octobre à Moulins

Organisé par l’Université populaire et libertaire du XIe arrondissement
Commune de Paris
Le Ciné de la Commune propose le 18 octobre à 20h
à la librairie Publico, 145 rue Amelot, Paris 75011

Esperanzas ou l’école des pêcheurs
suivi de Paul Robin et l’orphelinat de Cempuis
Tel 01 48 05 34 08 Courriel librairie-publico@sfr.fr
M° Oberkampf ou Filles du Calvaire

CQFD n° 223 : Sous le signe de l’Hexagone

Musiques : Riverdog, Southside Shadows. Susheela Raman, Corn Maiden. Tigran Hamasyan, Leaving Paris. The Byrds, Was’nt born to follow. Trio Joubran et Tony Hymas.