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Samedi 10 décembre 2022
Le cinéma d’animation. Les Petits pois de Francis Gavelle et de Florentine Grelier. 19e édition du Carrefour du cinéma d’animation au Forum des images. Ernest et Célestine. Le Voyage en Charabie de Jean-Christophe Roger et Julien Cheng. Goodbye de Atzuko Ishizuka. Interdit aux chiens et aux Italiens de Alain Ugheto. De l’autre côté du ciel de Yukusa Hirota. Stella est amoureuse de Sylvie Verheyde. Corsage de Marie Kreutzer. Fièvre méditerranéenne de Maha Haj
Article mis en ligne le 11 décembre 2022
dernière modification le 14 décembre 2022

par CP

Les Petits pois
coréalisé par Francis Gavelle et Florentine Grelier

19e édition du Carrefour du cinéma d’animation au Forum des images

Ernest et Célestine. Le Voyage en Charabie
Film de Jean-Christophe Roger et Julien Chheng (14 décembre 2022)

Goodbye
Film de la réalisatrice Atzuko Ishizuka (18 janvier 2023)

Interdit aux chiens et aux Italiens
Film de Alain Ugheto (25 janvier 2023)

De l’autre côté du ciel
Film de Yukusa Hirota (DVD-BRD)

Stella est amoureuse
Film de Sylvie Verheyde (14 décembre)

Corsage
Film de Marie Kreutzer (14 décembre 2022)

Fièvre méditerranéenne
Film de Maha Haj (14 décembre 2022)

Les Petits pois
coréalisé par Francis Gavelle et Florentine Grelier

court métrage d’animation coréalisé par Francis Gavelle et Florentine Grelier, projeté dans le cadre de la 19e édition du Carrefour du cinéma d’animation au Forum des images, dont nous parlerons dans la foulée…

Ah ! Les petits pois, les petits pois, c’est un légume bien tendre
Ah ! Les petits pois, les petits pois, ça ne se mange pas avec les doigts…

Mais non, vous n’y êtes pas du tout, s’arrête là l’évocation de la chanson idiote de Dranem, qui sonne pompier et pub à deux balles… Non, Les Petits pois de Florentine Grelier et Francis Gavelle, c’est une autre chanson — si j’ose le dire ainsi —, ce sont des paroles tendres, amoureuses, drôles, de l’émotion et de la mémoire en roue libre… Les Petits pois est un court métrage à l’animation en clin d’œil où se croisent poésie, créativité, humour et expression fusionnelle des couleurs, des formes et des sons…
Bande son Les Petits pois

Au fait, c’est quoi le rapport entre les petits pois et toi
Si ce n’est que vous êtes tous les deux

Sur ma langue

Et dans mon ventre ?
J’aime bien les p’tits pois

C’est vert, c’est rond,

C’est lumineux

Quand ils sont frais, j’veux dire
On les écosse, on les découvre
On les plonge dans l’eau

Un peu de menthe, peut-être ?

A l’anglaise, quoi !...

Ou à l’étuvée, au beurre

Petits oignons, feuilles de salade Tiens ! un escargot...

On les fait chauffer

Et ils se font moins durs

Sur la langue, ils glissent tout seuls
Mais, parfois, parfois

Je les cueille et je les mange tout crus
Ils sont un peu sucrés
Et ce n’est pas pour me déplaire.
J’aime bien tes p’tits doigts

Qui s’attardent sur moi

Elle a du peau, ma peau

Ils jouent à pic-pic sur mon nez
Effleurent mes lèvres, délicats,

Puis descendent, descendent, le long de mon cou
S’arrêtent sur mon buste

Y dessinent des ronds

Parfois demandent un peu d’aide

Après repartent, courent vers mon ventre

Ils ont un petit côté sportif

Mais hésitent entre le sprint et le marathon

Ils me caressent,

Me chatouillent,

M’effleurent
Et enfin découvrent mon nombril

Un doigt, deux doigts...

Tiens ! encore ta langue.
– Tu m’as vue nue –
J’aime bien ta p’tite voix

Celle qui m’appelle, la nuit, quand je dors
Celle qui me sort du lit, le matin, quand il fait beau
Celle qui se fait grand méchant loup,
Quand tu veux me dévorer toute crue

Celle qui me dit qu’elle m’aime

Alors que je voulais juste un baiser

Ou un carré de chocolat

Ou l’heure exacte.

Celle qui se fait grave

Quand elle parle d’avenir,

D’enfants,

D’assurance-vie,

Mais qui tremble un peu, quand même
“Construire, construire”, disent-ils...
Ta voix, ta voix, il faudra que je l’enregistre
Pour mes vieux jours,

Mes jours de pluie,

Le jour où tu me quitteras
Pourquoi je pense à ça ?
...
Et puis, non !
Ta voix, je ne l’enregistrerai pas !
Parce que ce sera trop triste de t’écouter
Alors que tu seras dans les bras d’une autre
Que tes petits doigts S’attarderont sur son cou
– Je vais lui tordre –

S’arrêteront sur son buste
Descendront vers son ventre

Là, tu auras des endurances de marathonien
Toi qui pratiquais le sprint...

Je t’aurai vraiment tout appris...

Ou alors, non !

C’est moi qui t’quitterai

Et le nouveau “toi”, il sera beau, il sera fort,

Il aura une voix de stentor,
Des manières de gladiateur, Des fortunes d’empereur
On sera heureux La vie sera mieux
Peut-être un petit peu “vieux jeu” Mais j’t’oublierai un peu...
Sauf les jours de cuisine, Les jours de p’tits pois.
Mon nouveau “toi”, il n’aimera pas ça.

Au départ, il y a le poème de Francis Gavelle et … « la seule possibilité de commencer à faire exister concrètement le projet, d’en inverser le processus créatif et de livrer à l’auteur à venir de l’animation une bande-son considérée comme définitive et reposant uniquement (à ce stade de la conception) sur les voix des dix femmes qui avaient, par une matinée de novembre 2018, enregistré le poème en studio. […]
Des voix qui se font écho ; ensuite se superposent, s’entrelacent, osent un cri ou laissent échapper un sanglot ; des voix qui se jouent, feutré ou rauque, de leurs propres timbres et de leurs propres grains ; une langue française, aussi, à laquelle répondent soudain, comme un baume réconfortant, d’autres langues : anglaise, arabe, espagnole.
 »

Forentine Grelier : « La simplicité de la mise en œuvre m’a amené à tester de nouvelles manières de produire des images, comme la création d’anomalies graphiques directement avec un scanner. Les logiciels numériques ont été utilisés pour la postproduction, mais très peu pour l’animation, pour préserver un rapport ludique à la matière. Le film abordant le thème du souvenir amoureux, j’ai volontiers utilisé des transformations de formes pour jouer sur les réminiscences, mélanger les images et convoquer la mémoire. Dessiner cette suite d’images colorées plusieurs heures durant, avant de découvrir le mouvement obtenu, a été un ravissement.[…] “Les Petits Pois” achève ma trilogie de films sensuels, après “Sommeil Paradoxal” (2011), sur pellicule 16mm, et “Pixel Joy” (2012) ».

Ernest et Célestine. Le Voyage en Charabie
Film de Jean-Christophe Roger et Julien Chheng (14 décembre 2022)

Ernest et Célestine retournent en Charabie, le pays d’Ernest, avec le projet de faire réparer son violon cassé. Mais arrivés sur place, c’est l’horreur, ils découvrent alors que la musique est interdite, sous peine de finir en taule ou banni.

Pour Ernest et Célestine, c’est un cauchemar de vivre sans musique. C’est alors que surgit un mystérieux justicier masqué… Avec lui et quelques rebelles, Ernest et Célestine entrent en résistance et décident d’en finir avec ces interdictions imbéciles et de ramener la musique au pays des ours.

Goodbye
Film de la réalisatrice Atzuko Ishizuka (18 janvier 2023)

Roma vit à la campagne et avec son ami d’enfance, Toto, ils se donnent le nom de « Donglees » et organisent tous les étés un petit spectacle de feu d’artifice. Après une première année au lycée à Tokyo, les deux amis se retrouvent, mais bientôt un troisième garçon, Drop, se joint au groupe pour filmer le spectacle avec son drone. Mais le projet tourne court, c’est la catastrophe, les feux d’artifices ne fonctionnent pas, le drone est emporté par le vent et les trois ados sont accusés d’être responsables d’un feu de forêt qu’ils auraient déclenché. Sans qu’il y ait la moindre preuve, les réseaux sociaux se déchaînent contre eux : sus aux « Donglees » ! Doma, Toto et Drop décident alors de partir à la recherche du drone et de prouver leur innocence.

Interdit aux chiens et aux Italiens
Film de Alain Ugheto (25 janvier 2023)

C’est l’histoire d’une famille italienne pauvre sur plusieurs générations dans le nord de l’Italie. Le récit commence au début du XXe siècle, à Ughettera, berceau de la famille Ughetto où la vie très difficile. Les paysans sont rançonnés par l’Église et les grands propriétaires, connaissent parfois la famine, ce qui amène les Ughetto à rêver de partir à l’étranger et bâtir une toute autre vie. Selon la légende familiale, Luigi Ughetto franchit alors les Alpes et entame une nouvelle vie en France, changeant à jamais le destin de sa famille. Et des décennies plus tard, c’est son petit-fils qui raconte l’histoire de la famille qui va traverser le siècle, la Première Guerre mondiale, le fascisme, la seconde Guerre mondiale, l’Occupation, etc… Avec un personnage central, celui de la grand-mère…
Très beau récit de la petite et la grande histoire où les doigts du réal se mêlent aux marionnettes…

De l’autre côté du ciel
Film de Yukusa Hirota (DVD-BRD)

Lubicchi vit au milieu de grandes cheminées dont l’épaisse fumée recouvre depuis toujours le ciel de sa ville. Il aimerait prouver à tous que son père disait vrai et que, par-delà les nuages, il existe des étoiles. Un soir d’Halloween, le petit ramoneur rencontre Poupelle, une drôle de créature avec qui il décide de partir à la découverte du ciel.

Stella est amoureuse
Film de Sylvie Verheyde (14 décembre)

1985, premier été sans les parents. Le soleil, les copines, les Italiens, le rêve. Voix off de Stella. Retour à la réalité et c’est l’année du bac. Et même si elle dit qu’elle s’en fout, elle sait bien que ça va changer sa vie... Elle est mal à l’aise partout, et plutôt mourir que de reprendre le bar de ses parents. D’ailleurs son père se casse avec une autre, en laissant des dettes et sa mère en déprime. Finalement, là où elle se sent bien c’est dans une boîte, elle danse fait des rencontres, et puis l’amour pour rêver d’un autre monde…
Stella est amoureuse de Sylvie Verheyde au cinéma le 14 décembre)

Corsage
Film de Marie Kreutzer (14 décembre 2022)

Noël 1877, Élisabeth d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph, fête son 40e anniversaire.
Elle a passé sa vie en représentation, se doit de demeurer la jeune et belle impératrice, une belle image qui sourit et ne peut s’exprimer. Pour ce rôle imposé, elle est astreinte à ne quasiment rien manger, à faire des exercices et à mesurer sa taille chaque jour pour garder une silhouette de jeune fille, sans parler des soins pour son imposante chevelure.
Mais Élisabeth étouffe dans ce carcan d’obligations et de représentations, de plus en plus, elle se rebelle, ne veut plus se conformer à ce qu’on lui impose, voyage sans cesse, histoire d’échapper à cette cour de Vienne qu’elle déteste. L’image Sissi l’exaspère comme une condamnation à ne pas être elle-même, à abandonner ses désirs.
Cette période est celle que choisit Marie Kreutzer pour réaliser un biopic fascinant sur la fin de vie de l’impératrice, dont l’image est restée mythique sans que jamais on lui accorde le droit de s’exprimer, au moment « où il ne lui était manifestement plus possible de rentrer dans le corset de sa fonction. J’ai trouvé cette vie avec une image démesurée de soi [très passionnante, ajoute la réalisatrice], à laquelle il a fallu se conformer sans cesse parce que c’était la seule manière d’obtenir de la reconnaissance et de l’amour […]. C’est un sujet intemporel. » Intemporel certes, si l’on considère que « Les femmes d’aujourd’hui doivent encore répondre à bien des attentes auxquelles Élisabeth devait satisfaire. La vertu cardinale et la plus précieuse d’une femme est toujours la beauté. L’histoire, le mouvement féministe et l’émancipation n’ont rien changé à cela. » Un constat sans concession, mais juste. C’est sans doute pour cette raison que le personnage d’Élisabeth est si touchant, avec ses caprices et ses fêlures. Séparée de ses enfants, statufiée dans son rôle qui prétend à la jeunesse éternelle, elle est réduite à un simple bel objet qui piaffe littéralement pour vivre autre chose que le rôle imposé par le protocole.

L’interprétation de Vicky Krieps est phénoménale, il y a osmose entre elle et le personnage de Sissi à 40 ans, au moment où celle-ci refuse de se conformer aux exigences de la cour et tente de s’effacer, juste avant de mourir. Sur le tournage, Vicky Krieps se disait même : « je lui offre à titre posthume ce qui lui était interdit. Fumer, faire un doigt d’honneur, se couper les cheveux. En tant qu’actrice, j’adore la confrontation et les surprises.  »

Corsage, c’est un mythe revu, sinon cassé et des images absolument somptueuses et pesantes aussi.
Corsage de Marie Kreutzer au cinéma le 14 décembre 2022.

Fièvre méditerranéenne
Film de Maha Haj (14 décembre 2022)

Le nouveau film de Maha Haj, Fièvre méditerranéenne, est ancré dans une profonde mélancolie, mais parsemé d’un humour décapant.
Walid vit en famille à Haïfa, il est ce que Maha Haj appelle un dépressif fonctionnel, il se sent responsable de tous les malheurs possibles, de la mort d’une voisine, des violences en Cisjordanie et à Gaza montrées à la télé… de son impuissance vis-à-vis de sa famille et s’il s’efforce d’écrire, il ne va pas au delà de la page blanche. D’où le sentiment encore amplifié d’incapacité à dépasser son enfermement et son mal de vivre… Lorsque débarque un nouveau voisin, Jalal, qu’il juge d’abord grossier et sans gêne, il en devient l’ami avec une idée en tête, échapper à cette dépression qui le ronge : la fièvre méditerranéenne ou être Palestinien en Israël.
Sur fond de crise existentielle et identitaire, le duo improbable Walid/Jalal brosse en contre champ le portrait de la société israélienne où il n’est pas simple d’être un Palestinien israélien.

Sur fond de crise existentielle et identitaire, ce duo improbable brosse le portrait d’une société israélienne où il n’est pas simple d’être un Palestinien israélien. Déjà dans Personnal Affairs, Maha Haj montrait avec brio les décalages absurdes et les problèmes engendrés par l’occupation et la situation sociale et politique, dans ce film elle approfondit encore le sentiment d’enfermement au cœur d’une situation en cul de sac. Elle ajoute d’ailleurs en exergue une citation de Tchékov, qui en dit long sur cette fièvre méditerranéenne qui frappe les Palestinien.nes :
« Quel beau temps aujourd’hui. J’hésite entre boire une tasse de thé ou me pendre. »
Fièvre méditerranéenne est une merveille de subtilité, servie par l’interprétation remarquable des deux comédiens, Amer Hlehel et Ashraf Farah. Le film est en salles le 14 décembre.

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