Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 6 Mai 2023
David Snug et la Lutte pas très classe. Le Principal de Chad Chenouga. Sakra de Donnie Yen. The Wild One de Tessa Louise-Salome
Article mis en ligne le 15 mai 2023
dernière modification le 31 mai 2023

par CP

David Snug et la Lutte pas très classe
La Lutte pas très classe
Dépôt de bilan des compétences
Ni Web ni master
(Nada)

Rencontre avec l’auteur et Iris

Le Principal
Film de Chad Chenouga (10 mai 2023)
Entretien avec le réalisateur

Sakra
Film de et avec Donnie Yen (10 mai 2023)

The Wild One
Film de Tessa Louise-Salome (10 mai 2023)

Neptune Frost
Film de Saul Williams et Anisia Uzeyman (10 mai 2023)

Entretien samedi 13 mai

Fairy Tale
Film d’Alexandre Sokourov

David Snug et la Lutte pas très classe
La Lutte pas très classe
Dépôt de bilan des compétences
Ni Web ni master
(Nada)

Rencontre avec David Snug

David Snug et la Lutte… pas très classe
Après avoir croisé un tag bien en vue sur un mur : « le féminisme sans lutte de classes, c’est du développement personnel », puis un autre « l’écologie sans lutte de classes, c’est du jardinage » ! David Snug se dit que tout examiner par le prisme de la lutte de classes, c’est une super idée ! Et comme le signale la préface, c’est lancé… en route pour une révolution libertaire… pour en conclure, pas très classe : « en achetant ce livre, vous avez fait un écogeste écocitoyen » ! Et paf retour de la critique dans la gueule ! S’ensuit une galerie de slogans et de détournements acerbes, drôles, qui déglinguent, pas du tout dans la norme, qui démontent les réputations et les idées rabâchées, ben oui parce que « l’analyse politique sans lutte de classes, c’est de la propagande réactionnaire » ! Bien dit non ?
Musique : Trotsky nautique, L’insurrection qui vient pas
Après cet intermède signé Trotski nautique et intitulé L’insurrection qui vient… Rien de moins. Dépôt de bilan des compétences. Une drôle d’histoire ! Un dialogue entre un mec qui dessine des BD et un ado fraîchement arrivé du passé… Oui, oui, du passé, et qui s’inquiète de ce qu’il est devenu, enfin de ce qu’il deviendra, ou de ce qu’il peut devenir… Vous suivez un peu ? On y parle de Looser, de minimas sociaux, de boulots à la con et d’aliénation, de Punk Never Dead, de Robert Crumb, de tags… bref d’un tas de choses. J’espère David que tu n’es pas venu dans l’émission pour faire du yoga ! Parce que nous, on a des questions !

Et puis, il y a le troisième numéro de la série : NI WEB NI MASTER ! Et là c’est du lourd… Une BD technocritique ? Qui remet en question le productivisme, la dérégulation des rapports humains, la destruction des savoir-faire, du lien social et de la nature, et bien sûr, il y a l’aliénation par la marchandise et la technologie, l’avènement de l’informatique et des nouvelles technologies de la COM et de l’info… La manipulation et Propaganda à donf ! Tout ça dans la BD : Ni Web ni Master
Musique : Trotsky nautique, Dépôt de bilan de compétences

Exposition des dessins de David Snug, extraits de la Lutte pas très classe, se poursuit jusqu’en juillet à la librairie Quilombo, rue Voltaire. Outre cette expo, c’est l’occasion de découvrir une nouvelle collection lancée par les éditions l’Échappée, « sur les traces d’un Paris populaire ». Et puisque c’est le temps des manifs et des balades dans Paris — ne parlons pas du Paris gentrifié —, mais plutôt du Paris authentique… à feuilleter deux bouquins de cette nouvelle collection, Les Plaisirs de la rue d’André Warnod et La Zone Verte d’Eugène Dabit. André Warnod est l’auteur d’une œuvre importante sur Paris. Écrivain, essayiste, journaliste, illustrateur, il fût aussi un flâneur invétéré dans tous les coins de la ville pour dévoiler ses secrets. Autre bouquin : La Zone Verte d’Eugène Dabit, qui est l’auteur d’Hôtel du Nord, ouvrage fameux après l’adaptation cinématographique de Marcel Carné, interprété par Louis Jouvet et Arletty, « Atmosphère, atmosphère… » Dans la Zone verte, Eugène Dabit explore et porte un regard sur la périphérie et sa population.

Le Principal
Film de Chad Chenouga (10 mai 2023)

Entretien avec Chad Chenouga

Sabri Lahlali est le principal adjoint d’un collège de quartier, son fils va passer son brevet, et la réussite de l’adolescent devient son obsession. Lui-même est en attente d’une promotion, et tout semble tourner autour de la compétition : le dossier idéal pour son fils et son futur poste de principal. Se pose alors un cas de conscience pour cet homme assez rigide : est-il prêt à transgresser son éthique professionnelle…
« Toutes ces questions de méritocratie, d’intégration et de renouvellement des élites me travaillent depuis très longtemps [explique le réalisateur]. Ceux qui vont diriger la France sortent des mêmes écoles maternelles françaises qui sont à peine au nombre de 200. Pour autant je trouverais lourd de surligner ce genre de choses. C’est sous-jacent dans le récit. Il s’agit d’abord de gens qui vivent des choses intimes. » Et au fur et à mesure de l’échéance de l’examen de l’adolescent, la tension devient plus tangible.
Roschdy Zem incarne un Sabri tourmenté et Yolande Moreau est la principale, qui le soutient, bien qu’elle soit déçue. Le Principal est un film intimiste, qui pose cependant le problème de la réussite sociale obligée, d’être un gagnant, dans la société, sans qu’il soit directement question de déterminisme social. Et il y a le roman de Jack London, Martin Eden, qui en est tout un symbole…
Le Principal a été projeté la première fois durant le Festival international du cinéma méditerranéen, en octobre dernier, et la rencontre avec Chad Chenouga a eu lieu dans le cadre du festival.
Le Principal de Chad Chenouga est au cinéma le 10 mai.

Sakra
Film de et avec Donnie Yen (10 mai 2023)

Cela se passe en Chine au Xe siècle, au moment où deux clans ennemis s’affrontent : les Song, une dynastie royale, et les Khitan, un peuple nomade guerrier.
L’un des membres respecté des nomades guerriers, Qiao Feng, est supposé issu des classes inférieures, en réalité, on ne sait pas trop qui sont ses parents véritables, les seuls qu’on lui connaisse sont les personnes qui l’ont recueilli encore nourrisson et l’ont élevé. À la suite de plusieurs malentendus et traitrises, il est accusé à tort d’avoir assassiné le chef de son clan et il est banni. C’est alors que commence son périple pour prouver son innocence et découvrir l’auteur de la machination qui l’a piégé. Évidemment cela donne l’opportunité de mettre en scène des combats à la manière de ballets étourdissants, Qiao Feng est un maître des arts martiaux…

En dehors du côté très spectaculaire des affrontements, il faut dire que le Wuxia, dont s’inspire le film, est un genre littéraire mais également cinématographique qui met en scène la vie et les aventures de personnages, souvent issus de classes sociales inférieures, se battant pour la justice. Le genre s’inscrit dans la tradition du chevalier errant et bien entendu juste.
En parlant de son film, le réalisateur confie qu’il n’avait envisagé d’entreprendre ce projet un peu démentiel, vu les moyens nécessaires, qu’en adaptant une œuvre de Louis Cha, le plus influent spécialiste de Wuxia de l’époque moderne : « c’était un défi de taille, son héritage est si important dans la culture chinoise. Je savais que je serais à la fois producteur et réalisateur du film, et que je passerais donc un long moment à créer ce monde. Il est extrêmement difficile d’adapter les romans de Louis Cha au cinéma, parce que tous ses romans sont extrêmement longs, avec des dizaines de personnages, des histoires et des détails mythiques. Tous ces éléments font que ses romans sont devenus des classiques. » De grands réalisateurs ont réalisé des films de ce type, Wong Kar Wai en a réalisé quelques-uns à sa manière artistique, cependant, ajoute Donnie Yen : « j’ai identifié certains éléments qui peuvent sembler modernes tout en conservant l’histoire et la tradition du genre. Je voulais vraiment que l’histoire et la tradition de la littérature chinoise soient présentes — pas seulement des gens qui volent de façon spectaculaire sans aucune substance — parce que c’est ce qui est si réussie dans les romans de Louis Cha. Il y a une vraie part d’histoire et de philosophie dans son œuvre. C’est comme du Shakespeare chinois. »

Il est vrai que, si le côté spectaculaire domine certaines des scènes, les jeux de pouvoir qu’elles illustrent ne sont pas moins intéressants dans un contexte historique et, par exemple, la place des femmes et leur influence, ou encore les femmes guerrières qui ne sont pas moins puissantes que les guerriers et avec lesquelles il faut compter pour vaincre les ennemis ou les traitres. C’est aussi une manière de pénétrer, par le biais cinématographique, dans la culture chinoise et de voir ce que cette tradition de lutte des clans, qui n’en est pas moins une lutte des classes, peut avoir transmis à l’époque contemporaine.
Sakra de et avec Donnie Yen est en salles le 10 mai 2023 .

The Wild One
Film de Tessa Louise-Salome (10 mai 2023)

Lorsque Tessa Louise-Salome rencontre Jack Garfein, elle est « frappée par sa personnalité aux multiples facettes, sa passion absolue pour le théâtre et les acteurs, mais surtout par son histoire à la fois épique et dramatique, trop singulière pour ne pas être filmée. Une vraie pelote de laine à démêler, composée de fils qui traversent l’histoire du vingtième siècle — la Shoah, le Rêve Américain, le cinéma hollywoodien, le théâtre contemporain —, mêlés à d’autres motifs plus personnels comme son désir de liberté et son acharnement à dénoncer l’abus de pouvoir. » Dès cette rencontre, la réalisatrice est convaincue qu’il faut trouver « une forme cinématographique particulière, susceptible d’incarner cet esprit avant-gardiste et rebelle ». Le résultat est un film absolument passionnant dans ses formes, ses décors composés et son récit, une manière de rétrospective de l’œuvre d’un artiste méconnu entremêlée des étapes de son histoire personnelle. Passionnant par les rebondissements d’une histoire à plusieurs niveaux suscitée par une « structure narrative non linéaire et entrelacée, témoignant de la complexité du personnage et de son destin ».
L’itinéraire de Jack Garfein semble une longue fuite et une lutte pour la survie, d’abord celle d’un enfant luttant pour échapper à la mort durant l’holocauste nazi des années 1940, puis son arrivée aux Etats-Unis où il est profondément choqué par le racisme ambiant et, en parallèle son ascension depuis la scène de Broadway jusqu’à Hollywood. Sept années de travail pour construire cinématographiquement l’histoire d’un homme, metteur en scène, animateur de l’Actors Studio, protégé d’Hollywood, mais du fait d’avoir refusé ses normes et de se plier aux règles, est rapidement rejeté et mis au banc des studios.
The Wild One est le récit de cet homme à l’esprit rebelle à travers sa parole et en ouvrant soixante-quinze ans d’archives, de photographies privées, de films personnels, correspondances, récits, témoignages cinématographiques, bref des traces littéraires et visuelles, des archives historiques qui, chaque fois, sont mises en scène dans un contexte intemporel et complètement ancré dans l’histoire du parcours de Jack Garfein. « Pour cela [explique la réalisatrice] nous avons créé un dispositif sur le tournage : à Berlin, Paris, New York, Los Angeles, les différents intervenants étaient filmés dans un espace voulu intemporel, entourés de projections des images d’archives projetées sur de grands écrans visibles seulement lorsqu’ils s’illuminaient. Cela a permis de créer une expérience immersive et émotionnelle favorisant la spontanéité des réactions des personnes filmées. Cette installation représente la mémoire profonde d’où surgissent des réminiscences qui convoquent le spectateur. Elle donne la sensation que Jack revit ses souvenirs avec nous. De fantomatiques présences évoquant les débuts de la photographie. […] Le rôle des toiles est double : immerger et distancier ».

Concernant le titre du film, Tessa Louise-Salome s’est inspirée des deux films, censurés et même sabordés, de Jack Garfein, The Strange One (1957) et Something Wild (1961). « C’est aussi, bien sûr, le titre d’un film avec Marlon Brando, autre personnage central de l’Actors Studio, qui décrivait, dans une phrase désormais devenue célèbre, le jeu de l’acteur comme un “mécanisme de survie” ». Au cours de la production, le décès de Jack Garfein a été une épreuve supplémentaire et comme le confie la réalisatrice, « Il a fallu réinventer le film sans lui. […] Cela me renvoyait constamment à cette question : comment réussir à associer les images d’archives avec les scènes plus actuelles que nous avons filmées ». D’où le choix de casser une narration linéaire afin de donner l’impression de voyager entre le temps et l’espace.
Il demeure ainsi l’image d’un homme anticonformiste symbolisant un engagement politique et artistique, décidément lié. Dans The Strange One (1957), il évoque les conditions de vie des populations africaines américaines, ce que le studio avait refusé, et même interdit, la détermination de Jack Garfein décidera la Columbia de censurer le film et le contrat pour dix autres projets du réalisateur sera annulé par le studio. « La censure prend aujourd’hui une forme très différente [ajoute Tessa Louise-Salome], parfois plus sournoise qu’à Hollywood dans les années 1950. […] Le message qui résonne dans [l’œuvre de Jack Garfein] est que nous devons rester attentif à la perversité des systèmes de pouvoir... »

The Wild One de Tessa Louise-Salome est une merveille, le jeu maitrisé du noir et blanc alternant avec la couleur, la voix off de Willem Dafoe en narrateur, le défilé de figures mythiques du cinéma et de l’Actors Studio, James Dean, Ben Gazzara… The Wild One donne à voir l’itinéraire d’un réalisateur engagé et sans concessions, suscite à coup sûr l’envie de connaître ses deux films écartés, black listés, dont on voit des extraits dans le documentaire. Jack Garfein qui, avec un humour tout à fait particulier, disait : «  je n’ai pas disparu, j’ai juste changé de place. » Alors à quand une rétrospective des films de Jack Garfein, avec en prélude The Wild One ?
The Wild One de Tessa Louise-Salome est au cinéma le 10 mai 2023 .

Neptune Frost
Film de Saul Williams et Anisia Uzeyman (10 mai 2023)

Le film se déroule sur les hauts plateaux du Burundi. Après la mort de son frère, assassiné par un soldat gardien de la mine de coltan, où les deux hommes travaillent, Matalusa s’enfuit de l’enfer et rejoint un collectif de cyberpirates anticolonialistes. Il y rencontre Neptune, un.e hacker intersexe et ensemble, il et elle initie une insurrection virtuelle et surpuissante.
Pour ce premier film, Anisia Uzeyman, actrice et réalisatrice française d’origine rwandaise, et Saul Williams, poète, acteur, musicien et activiste états-unien, réussissent un film politique et artistique inventif, créatif et beau.
Nous rencontrons ces deux cinéastes mardi et l’entretien sera diffusé la semaine prochaine.

Fairy Tale
Film d’Alexandre Sokourov

Critique et coup de cœur d’Hugo Dervisoglu